Allocution du Maire de Sucy pour Philippe Braham le 7 juin 2015

Intervention de Marie-Carole Ciuntu, maire de Sucy-en-Brie,

pour la cérémonie hommage à Philippe Braham, le 7 juin 2015 à Sucy

 

Madame Valérie Braham,

Les enfants de Valérie et Philippe,

Les frères de Philippe ici rassemblés,

Monsieur l’Ambassadeur d’Israël en France,

Monsieur le Grand Rabbin de France,

Monsieur le Président des Consistoires,

Monsieur le Représentant du Crif Ile-de-France,

Monsieur le Rabbin de Sucy-en-Brie,

Monsieur le Président de la Communauté juive de Sucy,

Mesdames et Messieurs les Représentants des communautés religieuses de Sucy,

Monsieur le Sous-Préfet,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Il y a un mois presque jour pour jour, le 8 mai 2015, nous commémorions à Sucy comme partout en France,

la capitulation de l’Allemagne hitlérienne,

les 70 ans de la victoire alliée sur la barbarie nazie,

la libération des camps.

Oui, le 8 mai 1945,

l’effroyable guerre qui ravageait l’Europe depuis six ans, prenait fin.

Ainsi s’achevait une tragédie dont les conséquences sont désormais bien connues de tous :

morts par millions, humiliations, déportations, exterminations.

Le 8 mai 1945,

c’était la victoire,

la fin de la peur,

l’avènement de l’espoir,

le jour où dans le monde entier, on a pu se dire d’une seule et même voix : « plus jamais ça ! ».

Et pourtant…

Force est de constater que les leçons du passé n’ont pas été retenues.

A la barbarie d’hier a succédé l’horreur de ce début d’année.

Dans la funeste semaine du 5 janvier 2015, la France a été victime d’une série d’attentats meurtriers, coûtants la vie à 17 de nos concitoyens.

D’autres crimes similaires ont été proférés depuis, au Danemark, en Belgique, plus récemment en Tunisie.

Lors des lâches assassinats perpétrés à Charlie Hebdo, à Montrouge et à l’Hypercasher de la Porte de Vincennes, notre Ville a été frappée au cœur : notre voisin et ami de l’Haÿ-les-Roses, Philippe Braham, a perdu la vie.

Pour nous à Sucy, les victimes de la barbarie ont donc un visage :

Celui de Philippe Braham.

Et en disant cela, c’est vers sa famille que je regarde aujourd’hui, avec toute mon émotion et ma tendresse :

Valérie, l’épouse de Philippe, et ses quatre enfants, Raphaël, Shirel, Naor et Ela,

Michel, le frère de Philippe, qui est l’un des responsables de la Communauté juive de Sucy.

Patrick et Didier, les deux autres frères de Philippe.

Et tous ceux, présents ici, qui l’ont connu, côtoyé, aimé.

Après cette série de lâches attentats,

tous, nous avons alors eu besoin de partager notre chagrin, notre attachement à notre République et à ses valeurs.

Tous, nous avons également ressenti la nécessité de rappeler notre volonté commune de rester unis, loin des amalgames et des préjugés.

Il est important de le rappeler alors que certains s’emploient à rabaisser ce moment d’unité nationale.

Certes, nous savons bien qu’il ne suffit pas de se rassembler une seule journée pour tout changer. Certes, nous savons que certains sont restés à l’écart.

Mais nous ne dirons jamais assez la force d’un geste, d’un mot, d’un symbole. C’est la puissance des Démocraties. Ce combat que nous livrons est aussi celui des images. Or le monde a pensé : « voyez les Français, ils sont à la hauteur de l’image de la France ».

C’est ainsi qu’entourés de plus de 1.000 Sucyciens, de toutes générations et de toutes croyances, nous étions rassemblés le 14 janvier dernier, ici à Sucy, devant la mairie.

Beaucoup parmi vous étaient présents.

Ils ont encore certainement en mémoire ce moment de recueillement, de ferveur, d’émotion, de dignité.

Oui, tout comme moi, j’imagine que beaucoup parmi vous ont encore en mémoire la minute de silence,

les mains tendues aux voisins,

les allocutions des responsables des différentes Communautés religieuses de Sucy,

les bougies allumées,

les fleurs déposées,

la lecture du poème « Liberté » de Paul Eluard par les enfants du Conseil municipal des Jeunes,

l’hymne national repris par toute l’assemblée tandis que nous procédions à la levée de nos couleurs.

Ce moment où nous avons, face à la douleur et à l’incompréhension, témoigné notre solidarité à la famille de Philippe Braham.

Ce moment où nous avons réaffirmé notre attachement sans faille aux valeurs fraternelles qui caractérisent notre Ville.

Ce grand rassemblement a été, et demeurera, un symbole fort.

Comme est un symbole fort cette plaque commémorative que nous nous apprêtons à dévoiler en hommage et en la mémoire de Philippe Braham.

C’est l’occasion pour moi de vous redire une fois de plus qu’ici, à Sucy, la Municipalité n’acceptera jamais que ses citoyens soient stigmatisés du fait de leur croyance.

L’occasion de vous redire que nous protégeons tous les cultes et que nous sommes très attachés à la liberté religieuse.

A la liberté tout court.

Et c’est un enjeu de taille !

Qui touche chacun de nous.

Qui touche chaque religion.

J’en veux pour preuve, tout dernièrement encore, l’arrestation par les forces de l’ordre d’un terroriste qui préparait des attentats contre une église à Villejuif.

Et je vous rejoins pleinement, Monsieur Joël Mergui, lorsque vous dites :

« En Orient, ce qui a touché les Juifs hier touche aujourd’hui les Chrétiens.

En Europe, ce qui aujourd’hui touche les Juifs risque de toucher demain les Chrétiens. »

Oui, soyons en bien conscient. Le combat que nous devons mener va bien au-delà du simple cadre d’une religion ou même des religions. En vérité, il s’agit du combat éternel entre le monde civilisé et la barbarie.

Mesdames, Messieurs,

nous avons la chance de vivre dans une ville apaisée, ouverte, tolérante,

une ville au sein de laquelle le respect de l’autre et de sa différence ne sont pas de vains mots,

une ville où le dialogue inter-religieux est une réalité concrète, qui se vit au jour le jour.

Et là où les liens sont forts, il y a des initiatives à prendre pour promouvoir les valeurs humanistes qui nous tiennent tant à cœur.

Comme il y a un devoir de mémoire qui doit être constamment exercé.

Un devoir de mémoire et un devoir d’action.

C’est au fond ce que nous devons à Philippe Braham.

Et je nous invite collectivement à réfléchir à cette pensée du résistant Pierre Brossolette, qui depuis quelques jours, repose au Panthéon parmi les grands Hommes et les grandes Dames de notre histoire de France :

« Ce que nos morts attendent de nous, ce n’est pas un sanglot, mais un élan. »

Je vous remercie.