Le couple agressé à Créteil « ciblé » : juif donc argent…!!!

Les agresseurs « partaient de l’idée qu’être juif signifiait que l’on avait de l’argent »: un couple a été séquestré lundi à Créteil, leur appartement cambriolé et la jeune femme violée dans un contexte de recrudescence des actes antisémites en France.

Pour le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, qui a fait part de son « indignation », le « caractère antisémite » de l’agression « semble avéré ».

Les faits remontent à lundi à midi. Trois  hommes, « cagoulés et gantés », font irruption dans cet appartement du quartier du Port, tout près du lac de Créteil. L’un des deux fils des locataires, âgé de 21 ans, se trouve avec sa compagne, 19 ans. Immédiatement, les malfaiteurs les braquent avec un pistolet automatique et un fusil à canon scié, ont précisé des sources policières.

Ligoté dans le salon, le jeune couple entend ses agresseurs dire « qu’ils connaissent les origines juives de la famille du garçon et qu’ils savent où est l’argent. » Pendant près d’une heure trente, ceux-ci fouillent l’appartement et exigent « les bijoux, les ordinateurs et téléphones portables, les cartes bancaires » avec leur code, selon ces sources. La jeune fille est allongée de force et violée, selon les premiers éléments de l’enquête.

Un premier signalement donné par les victimes laisse penser que les auteurs sont connus de la Brigade anti-criminelle de Créteil qui se rend dans une commune limitrophe où elle repère, à 16H00, les trois hommes dans une voiture stationnée. Deux sont interpellés, en possession de bijoux appartenant aux victimes, et placés en garde à vue.

« Formellement reconnus » par les victimes selon une source judiciaire, ils ont 19 et 20 ans. Le troisième a pris la fuite. Il a été interpellé mercredi.

De source proche du dossier, les agresseurs « partaient de l’idée qu’être juif signifiait que l’on avait de l’argent ». Ils ont même effectué « des repérages avant d’agresser le couple », a-t-elle ajouté. L’un des gardés à vue habite dans une rue adjacente à celle des victimes.

« L’un des agresseurs était venu plusieurs jours auparavant demander du sucre, sans raison apparente », a affirmé l’avocate de la famille Séverine Benayoun. « Une main courante contre X avait alors été déposée. »

Les actions antisémites en hausse de 126%

« Vous les Juifs, vous avez de l’argent », auraient déclaré les agresseurs en entrant, selon l’avocate. La famille, dont le père porte la kippa, était « visible en tant que juifs » au sein du quartier, a-t-elle ajouté.

Le nombre des actes antisémites en France a presque doublé (+91%) au cours des sept premiers mois de l’année par rapport à la même période de 2013, selon le décompte du Service de protection de la communauté juive (SPCJ) effectué à partir des plaintes déposées auprès de la police et de la gendarmerie.

Ce recensement fait apparaître une progression  des actions (violences, attentats ou tentatives d’attentats, incendies, dégradations et vandalisme) de 126%. Supérieure, à celle des simples menaces (propos, gestes, tracts, courriers, inscriptions…) qui est de 79%.

Quant aux opinions, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a relevé dans son dernier rapport sur le racisme et l’antisémitisme que « pour la première fois » depuis 1990, « on assiste entre 2012 et 2013 à une baisse de la tolérance » concernant les Juifs. La CNCDH relève la persistance d’ »un certain nombre de clichés communément partagés sur les Juifs », en particulier par rapport à l’argent, « trait d’image particulièrement présent ».

Mardi soir, le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) avait dénoncé une « agression antisémite sauvage » et demandé qu’un « plan spécifique d’urgence » soit « mis en place avec des moyens judiciaires et policiers sans précédent » pour faire face à la recrudescence des actes antisémites.

Dans un communiqué, Bernard Cazeneuve a rappelé « sa détermination et celle du gouvernement à lutter sans relâche contre toute forme de racisme et d’antisémitisme. »

AFP

Victime de la terrible agression antisémite de Créteil, Jonathan raconte le calvaire qu’il a subi lundi midi dans l’appartement où il habite avec sa petite amie. Un témoignage bouleversant : Lundi, aux alentours de midi, la porte a sonné. J’étais dans une pièce éloignée de la porte d’entrée. Nous attendions des colis que nous avions commandés sur Internet quelques jours avant. On s’est dit que ça pouvait être ça. Ma copine m’a demandé si elle pouvait ouvrir la porte, je lui ai dit « Oui, vas-y ». Elle a regardé par le judas et aperçu un homme. Elle s’est dit qu’il pouvait être le livreur, elle a même pensé qu’il ressemblait à un de mes cousins. Mais quand elle a ouvert la porte, il n’y avait personne. Ça lui paraissait bizarre puisqu’elle avait vu quelqu’un.

Alors elle a voulu refermer la porte mais quand elle était en train de le faire, juste avant que la porte ne se referme complètement, trois hommes l’ont explosée et l’ont ouverte de force. C’est à ce moment qu’elle a crié mon prénom. Ensuite, tout est allé très vite. De ce qu’on a compris après, il y avait deux hommes cagoulés qui attendaient sur le côté et un homme sans cagoule qui avait sonné en se faisant passer pour un livreur.

Quand je suis arrivé en courant, j’ai vu trois hommes avec des cagoules et des gants. Lorsqu’ils m’ont vu arriver dans l’entrée, ils ont pointé leurs armes vers nous. On ne comprenait pas ce qu’il se passait. Puis ils ont pris nos téléphones portables pour qu’on ne puisse pas appeler. Ils nous ont demandé s’il y avait d’autres personnes dans la maison. On leur a dit non. Mes parents étaient chez le médecin. Alors ils nous ont mis une arme dans le dos à chacun et nous ont fait marcher jusqu’au fauteuil du salon. Ils ont dit « On n’est pas là pour rien, on sait très bien que ton frère dirige une chaîne de magasins de vêtements », alors que c’est faux. Mon frère n’a que vingt ans, il est juste vendeur. L’un des hommes a demandé la caisse du magasin. J’ai dis qu’il n’y avait rien ici. Et comme ce que je lui ai dit ne lui convenait pas, j’ai reçu un coup de crosse sur la tête. Ils m’ont dit« De toutes façons, on sait que tes parents ont une belle voiture ».Ils me donnent le modèle, la couleur et la marque de la voiture. A ce moment, je comprends que mon amie et moi ne sommes pas visés, mais mon frère et mes parents.

Un homme me met alors un fusil à canon scié sur le front. C’est une arme de chasse. Quand elle touche mon front, je sens que c’est une vraie. Il me dit qu’ils ont déjà vu mes parents. Il me demande encore où est l’argent. Je réponds « A la banque, comme tout le monde ». Il me dit « Non, c’est pas vrai, les juifs ne mettent pas leur argent à la banque ». Ça me paraît fou. A côté, mon amie pleure. Elle n’arrive pas à respirer. Je reste calme, j’ai peur qu’une balle parte.

Au même moment, les deux complices fouillent la maison. Ils reviennent dans le salon en disant qu’ils n’ont pas trouvé l’argent. Ils décident alors de nous séparer, ma copine et moi, et de nous prendre avec eux pièce par pièce pour qu’on leur dise chacun où il y a de l’argent et des bijoux. On n’en savait rien. Mon amie leur donne les cinquante euros qu’elle a dans son porte-monnaie.

Ensuite, ils nous refont asseoir ensemble dans la salle d’eau. Il y avait deux hommes de couleur et un de type maghrébin. Le plus agressif était le maghrébin mais je ne sais pas s’il y avait un chef. Entre temps, un des hommes change d’arme et prend un calibre de 9 mm. On est toujours assis dans la salle d’eau. L’un d’eux met le 9 mm dans ma bouche en disant qu’il va nous régler notre compte. Mon amie pleure toujours. Elle suffoque. Eux continuent de tout casser dans la maison. Ils vident les armoires, décrochent les tableaux et cassent les cadres. Ils disent que si jamais ils ne trouvent pas ce qu’ils sont venus chercher, ils nous buteront. L’un des hommes me retire alors l’arme de la bouche et me dit qu’ils ont trouvé ma carte bleue. Il me demande mon code et me dit qu’on va aller ensemble retirer de l’argent. Il me dit que si l’on ne revient pas ensemble, ils emmèneront mon amie.

Après, ils nous re-déplacent de la salle d’eau vers le salon. Moi, ils me font asseoir par terre et ma copine sur le canapé. Un homme demande à son complice du scotch marron. Ils m’en mettent autour de la bouche et sur les oreilles pour que je ne puisse pas entendre. Ensuite, ils m’attachent les mains et font pareil avec les chevilles. Ils m’allongent sur le dos et font la même chose à ma copine. Mais à un moment, ils s’arrêtent et décident de l’emmener à coté. Après, j’ai su que c’était dans une chambre.

Ils me font encore répéter mon code de carte bleue pour être sur que je leur ai donné le bon. Et puis j’entends du bruit. Un homme part seul pour retirer l’argent. J’entends les deux autres dans la chambre. L’homme qui était sorti revient, il a réussi à tirer de l’argent puis j’entends un gars dire« Il faut qu’on se casse, ça fait plus d’une heure qu’on est là ». Alors ils me font rouler par terre sur le ventre, face au sol. L’un des hommes lâche sur mon dos des couteaux en argent. Je sens des masses lourdes qui tombent sur mon dos. Sur le moment, je ne sais pas que ce sont des couteaux. C’est ensuite que j’en découvre plein sur le sol autour de moi.  Et que leurs pointes sont rondes.

D’un coup, je n’entends plus de bruit alors je roule pour me remettre sur le dos. J’imagine qu’ils sont partis comme je n’entends plus rien. J’essaie de me rasseoir et de faire glisser mon pied droit à travers les liens. J’y arrive. Le pied passe. Je n’essaie même pas d’enlever le reste. J’ai encore du scotch partout, mais je cours dans la maison pour chercher ma copine. J’ai peur qu’ils l’aient emmenée. Je la trouve dans une chambre. Je vois qu’elle est attachée. Elle me demande s’ils sont partis. Je lui fais oui avec la tête. Alors je cours dans la cuisine pour chercher de quoi couper les liens, pour pouvoir couper les siens et qu’elle me coupe les miens. Quand on y arrive au fur et à mesure, j’appelle la Police. Elle arrive cinq minutes plus tard.

Avant de me lancer les couteaux sur le dos, le maghrébin m’avait demandé si j’aimerais bien voir ma copine faire des trucs à un black. Une fois que j’ai retiré les liens de ma copine et le scotch, je lui demande ce qui s’est passé dans la chambre et s’ils l’ont touchée. Elle me fait oui avec la tête. Son T-Shirt était relevé.

Quand les policiers sont arrivés, ils sont montés avec mes parents qui, par chance, n’étaient pas rentrés avant. Ils nous découvrent mon amie et moi. A ce moment-là, ma copine veut parler à sa mère et lui téléphoner. L’appartement devient une scène de crime parce qu’il y a eu un viol et comme on ne pouvait plus circuler, on est recueilli par une voisine de palier.

Avec le recul, ma copine et moi sommes sûrs qu’ils voulaient toucher des juifs parce que selon eux, les juifs sont riches. Et puis ils ont pris les tsédaka, ils ont arrachés les tableaux religieux et retiré les mezouzot. Bien sûr, j’ai peur aujourd’hui, comme ma copine et mes parents. On ne dort pas, on ne mange pas. J’ai grandi à Créteil. On a toujours vécu là et je ne pensais pas qu’une telle chose pouvait arriver. On ne sent plus en sécurité. Tu attends un colis, une personne, tu ouvres la porte et au final… Ma mère est traumatisée. Ils ont détruit leur lit. Pourquoi le lit ? Je ne sais pas. Ils ont tout cassé. Mon frère aussi se demande pourquoi il était visé. On est détruits.

Ce matin, François Hollande a téléphoné à mon père pour lui apporter son soutien, lui dire que ce qu’on avait vécu était une honte et que c’était inadmissible pour la France. Nous, on a peur, et on ne comprend toujours pas pourquoi nous et ce qu’il s’est passé ».