14/01/2015 Allocution de Marie-Carole CIUNTU, Maire de Sucy-en-Brie

Allocution de Marie-Carole CIUNTU, Maire de Sucy-en-Brie

Rassemblement républicain en hommage aux victimes du terrorisme

et autour des valeurs qui fondent notre Démocratie

Mercredi 14 janvier 2015

 

 Mes Chers Concitoyens,

 Dimanche, la France avait rendez-vous avec elle-même et elle était bien là, debout, fidèle au rendez-vous. Quatre millions de personnes se sont rassemblées à Paris et dans tout le pays, choquées par trois jours d’attaques terroristes successives, émues par le souvenir des victimes et mobilisées pour défendre les valeurs de notre République.

 Un grand journal du soir titrait il y a quelques jours « le 11 septembre français » pour qualifier l’abominable tuerie, au cours de laquelle douze personnes ont trouvé la mort et qui a eu lieu mercredi 7 janvier 2015, en plein Paris, au siège du journal Charlie Hebdo. Ce titre donne sa pleine mesure et sa cruelle vérité à cet acte terroriste, aussi barbare que lâche, commis avec des armes de guerre. Pour preuve, l’immense émotion qu’il a suscité dans le monde entier. La liberté d’expression était frappée au cœur.

 Pourtant, la violence n’allait pas s’arrêter là. Le lendemain, à Montrouge, c’était au tour d’une jeune policière municipale de la commune d’être assassinée. Le surlendemain, Porte de Vincennes, ce sont quatre clients d’un commerce de produits casher qui ont été abattus. Parmi eux, Philippe BRAHAM dont le frère est l’un des responsables de la communauté juive de Sucy.

 Je veux, en cet instant solennel de recueillement, au nom de l’ensemble du Conseil Municipal rassemblé en un seul et même élan, au nom de toute la population, rendre hommage à ces dix-sept victimes du fanatisme. Dix-sept victimes, tuées parce qu’elles étaient des esprits libres et impertinents, parce qu’elles incarnaient l’ordre public, parce qu’elles étaient juives. Je tiens à avoir une pensée toute particulière pour la famille de Philippe BRAHAM qui habitait l’Haÿ-les-Roses avec son épouse et ses trois enfants de 8 ans, 3 ans et sa dernière petite fille âgée de 20 mois. Nous partageons tous ensemble leur douleur et leur chagrin.

 Les trois auteurs de ces actes, ces trois assassins, dont nous avons appris ensuite qu’ils étaient liés, ont été éliminés. La mobilisation, la détermination et le courage de nos forces de l’ordre ont permis de parvenir rapidement à cet épilogue qui résonne pour nous tous comme un soulagement, si précaire soit-il.

 Rendre l’hommage de la Nation à toutes ces victimes est bien le moins que nous puissions faire.

Mais cela ne suffit pas.

 Nous devons nous rassembler. De ce point de vue, les manifestations nationales de dimanche étaient une éclatante démonstration. Elles ne doivent cependant pas apparaître comme une parenthèse enchantée. Nous devons nous rassembler profondément, sincèrement et durablement. Certes, l’unité est toujours difficile dans une Démocratie qui repose par principe sur la liberté d’opinion, l’esprit critique, le pluralisme des formations politiques, qui revendique une certaine forme d’individualisme aussi. C’est notre immense force et c’est parfois notre véritable faiblesse.

 Mais l’unité nationale ne veut pas dire l’uniformité. Elle signifie tout simplement que nous devons nous retrouver, dans les heures graves que nous traversons, autour d’un socle commun unanimement partagé, autour de valeurs communes non négociables qui fondent notre Démocratie.

 Au premier rang de ces valeurs figurent la liberté d’expression, la liberté de la presse, c’est-à-dire la liberté de tout dire dans les seules limites reconnues par la loi ; la liberté de conscience, c’est-à-dire celle de croire ou de ne pas croire ; la lutte contre toute forme de racisme, d’antisémitisme et de discrimination.

 Nous devons aussi agir. Nous ne pouvons pas nous contenter de parler. Agir chacun à son niveau et avec ses moyens. Agir en continuant tout simplement à vivre, à avancer en nous efforçant de ne surtout pas céder ni à l’irrationnel, ni à la peur.

 La menace est là, chacun le sait. Qui peut croire qu’elle a disparu en même temps que les trois terroristes ? Nous devons y faire face avec sang-froid et courage. Au niveau international et européen d’abord, sur le théâtre des opérations extérieures, notamment celles où l’armée française est engagée. Au niveau national ensuite en prenant les dispositions appropriées pour répondre à ces nouveaux visages du terrorisme. Au niveau local enfin. Au niveau de la commune, l’institution la plus proche des citoyens, celle qui est à la base de notre République et où il y a évidemment des actions à entreprendre. C’est bien là le sens qu’il faut donner à notre présence à tous ici ce soir. L’Etat doit combattre la menace mais c’est aussi le rôle de la société toute entière de le faire.

 Nous savons qu’il faut rester vigilant car nous ne vivons pas à l’écart du monde présent. Le sursaut français auquel, je veux le croire, nous assistons, doit nous permettre de préserver notre modèle national qui refuse le communautarisme et qui s’est trouvé affaibli, en raison notamment de comportements jusqu’alors tolérés et qui aujourd’hui ne doivent plus l’être. Il faut que les règles de vie sociale que nous nous sommes données soient acceptées et respectées par tous. A nous de reconquérir les territoires perdus de notre République !

 Un Maire connaît les cœurs et les âmes des hommes et des femmes de la commune. Il connaît leurs peurs comme leurs espérances. Il sait qu’au-delà de leurs différences, de leurs origines ou de leurs croyances, ils aspirent à vivre ensemble dans la paix. Mais un Maire sait aussi plus que tout autre la fragilité de notre société et l’énergie qu’il faut dépenser pour conserver un bien vivre ensemble.

 A Sucy, ville dépositaire d’une longue tradition humaniste, la Fraternité n’est pas un vain mot. Forte d’un dialogue entre les confessions si ancien et si vivant, je ne doute pas que toutes les communautés religieuses ici réunies, juive, musulmane, catholique, orthodoxe, protestante, sauront également être à la hauteur des événements que nous traversons. Par des prises de paroles publiques claires ou par des gestes aussi formidables que discrets, elles ont déjà donné la preuve ces derniers jours, comme elles vont le faire ce soir, de tout ce qu’elles peuvent apporter à notre vie commune locale.

 Par votre présence ce soir, jour de la parution du journal Charlie Hebdo, élus de toutes les tendances de notre Conseil Municipal que je remercie, représentants de toutes les confessions, citoyens de Sucy, vous exprimez des sentiments mêlés, naturellement votre peine pour les victimes, peut-être votre inquiétude pour vous-même et vos proches, ou encore de la colère. Mais surtout, vous démontrez votre mobilisation, votre volonté, votre force !

 Je retiendrai pour conclure ces quelques mots prononcés hier par le président de la République lors de l’hommage national rendu aux trois policiers morts en service : « La France peut être attaquée, elle peut être agressée, elle peut être meurtrie comme elle l’est aujourd’hui ; notre grande et belle France ne cède jamais, ne rompt jamais, ne plie jamais. Elle fait face. Elle est debout. »

 Vive la République et vive la France !