Sucy en Brie rend hommage à Philippe Braham…

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Dimanche 7 juin, Joël Mergui Président du Consistoire et Haïm Korsia Grand Rabbin de France étaient présents à l’hommage rendu à Philippe Braham par la ville de Sucy en Brie.

Dans les crimes qu’a connus l’Histoire, le peuple juif a toujours cherché à donner à chaque victime un nom et un visage, parce qu’à chaque fois qu’on tue un homme, c’est un univers qui disparaît.

L’hommage rendu par Sucy à Philippe Braham, assassiné parce que Juif, parce que ce vendredi matin du 9 janvier 2015, il faisait ses courses à l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes relève de cette philosophie mémorielle.

C’est autour des valeurs de la République et de ceux qui la symbolisent, Marie-Carole Ciuntu, Maire de Sucy, et Michel Mosimann, Sous-Préfet du Val de Marne, que se sont réunies ce dimanche 7 juin 350 personnes de toutes origines, associations laïques, communautés juives, chrétiennes, musulmanes, etc.

Tour à tour se sont succédés Marie-Carole Ciuntu, Maire de Sucy-en-Brie, Valérie Braham (Veuve de Philippe), Yossi Gal, Ambassadeur d’Israël en France, Haïm Korsia, Grand Rabbin de France, Joël Mergui, Président du Consistoire, Patrick Braham, Rabbin de la communauté de Pantin, frère de Philippe, Ariel Amar CRIF (Ile de France), Raphy Marciano, Président de Beth Hillel, Michel Mosimann, Sous-Préfet, représentant le Préfet du Val de Marne.

Après la Hachkava, prononcée par Shimon Tapiero, Rabbin de la Communauté Beith Hillel de Sucy, il y eut des moments forts et émouvants, qui montrent l’attachement profond des Juifs de France à la République et à ses symboles : prière pour la République Française, minute de silence pour toutes les victimes, Marseillaise et dévoilement de la plaque à la mémoire de Philippe Braham (Zal).

Plus que toutes les interventions, il est marquant de citer celle de Benjamin Sitbon, 14 ans :  » Pour moi être juif a toujours été associé à la fidélité, à la République Française, au bonheur d’appartenir à une nation qui a donné à l’humanité les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité de la révolution française. Le drame terrible de nos frères et soeurs assassinés, victimes d’une haine aveugle, je l’ai connu jusqu’à présent seulement dans les pays des livres d’histoire. Mais il m’a semblé utile que ce monde entende aussi la manière dont les jeunes vivent cette terrible épreuve pour surmonter avec courage nos blessures, pour préparer le monde de demain, pour fortifier notre nation et les valeurs de cette République et enfin dire que la haine ne l’emportera pas, que la nouvelle génération est debout face à l’adversité et c’est notre confiance dans la nation Française qui continue de nous animer et c’est mon éthique juive qui me donne l’espérance en l’humanité.

Tel est le message que Philippe nous a légué avec fierté et nous serons à la hauteur de son exemplarité… »

Allocution du Maire de Sucy pour Philippe Braham le 7 juin 2015

Intervention de Marie-Carole Ciuntu, maire de Sucy-en-Brie,

pour la cérémonie hommage à Philippe Braham, le 7 juin 2015 à Sucy

 

Madame Valérie Braham,

Les enfants de Valérie et Philippe,

Les frères de Philippe ici rassemblés,

Monsieur l’Ambassadeur d’Israël en France,

Monsieur le Grand Rabbin de France,

Monsieur le Président des Consistoires,

Monsieur le Représentant du Crif Ile-de-France,

Monsieur le Rabbin de Sucy-en-Brie,

Monsieur le Président de la Communauté juive de Sucy,

Mesdames et Messieurs les Représentants des communautés religieuses de Sucy,

Monsieur le Sous-Préfet,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Il y a un mois presque jour pour jour, le 8 mai 2015, nous commémorions à Sucy comme partout en France,

la capitulation de l’Allemagne hitlérienne,

les 70 ans de la victoire alliée sur la barbarie nazie,

la libération des camps.

Oui, le 8 mai 1945,

l’effroyable guerre qui ravageait l’Europe depuis six ans, prenait fin.

Ainsi s’achevait une tragédie dont les conséquences sont désormais bien connues de tous :

morts par millions, humiliations, déportations, exterminations.

Le 8 mai 1945,

c’était la victoire,

la fin de la peur,

l’avènement de l’espoir,

le jour où dans le monde entier, on a pu se dire d’une seule et même voix : « plus jamais ça ! ».

Et pourtant…

Force est de constater que les leçons du passé n’ont pas été retenues.

A la barbarie d’hier a succédé l’horreur de ce début d’année.

Dans la funeste semaine du 5 janvier 2015, la France a été victime d’une série d’attentats meurtriers, coûtants la vie à 17 de nos concitoyens.

D’autres crimes similaires ont été proférés depuis, au Danemark, en Belgique, plus récemment en Tunisie.

Lors des lâches assassinats perpétrés à Charlie Hebdo, à Montrouge et à l’Hypercasher de la Porte de Vincennes, notre Ville a été frappée au cœur : notre voisin et ami de l’Haÿ-les-Roses, Philippe Braham, a perdu la vie.

Pour nous à Sucy, les victimes de la barbarie ont donc un visage :

Celui de Philippe Braham.

Et en disant cela, c’est vers sa famille que je regarde aujourd’hui, avec toute mon émotion et ma tendresse :

Valérie, l’épouse de Philippe, et ses quatre enfants, Raphaël, Shirel, Naor et Ela,

Michel, le frère de Philippe, qui est l’un des responsables de la Communauté juive de Sucy.

Patrick et Didier, les deux autres frères de Philippe.

Et tous ceux, présents ici, qui l’ont connu, côtoyé, aimé.

Après cette série de lâches attentats,

tous, nous avons alors eu besoin de partager notre chagrin, notre attachement à notre République et à ses valeurs.

Tous, nous avons également ressenti la nécessité de rappeler notre volonté commune de rester unis, loin des amalgames et des préjugés.

Il est important de le rappeler alors que certains s’emploient à rabaisser ce moment d’unité nationale.

Certes, nous savons bien qu’il ne suffit pas de se rassembler une seule journée pour tout changer. Certes, nous savons que certains sont restés à l’écart.

Mais nous ne dirons jamais assez la force d’un geste, d’un mot, d’un symbole. C’est la puissance des Démocraties. Ce combat que nous livrons est aussi celui des images. Or le monde a pensé : « voyez les Français, ils sont à la hauteur de l’image de la France ».

C’est ainsi qu’entourés de plus de 1.000 Sucyciens, de toutes générations et de toutes croyances, nous étions rassemblés le 14 janvier dernier, ici à Sucy, devant la mairie.

Beaucoup parmi vous étaient présents.

Ils ont encore certainement en mémoire ce moment de recueillement, de ferveur, d’émotion, de dignité.

Oui, tout comme moi, j’imagine que beaucoup parmi vous ont encore en mémoire la minute de silence,

les mains tendues aux voisins,

les allocutions des responsables des différentes Communautés religieuses de Sucy,

les bougies allumées,

les fleurs déposées,

la lecture du poème « Liberté » de Paul Eluard par les enfants du Conseil municipal des Jeunes,

l’hymne national repris par toute l’assemblée tandis que nous procédions à la levée de nos couleurs.

Ce moment où nous avons, face à la douleur et à l’incompréhension, témoigné notre solidarité à la famille de Philippe Braham.

Ce moment où nous avons réaffirmé notre attachement sans faille aux valeurs fraternelles qui caractérisent notre Ville.

Ce grand rassemblement a été, et demeurera, un symbole fort.

Comme est un symbole fort cette plaque commémorative que nous nous apprêtons à dévoiler en hommage et en la mémoire de Philippe Braham.

C’est l’occasion pour moi de vous redire une fois de plus qu’ici, à Sucy, la Municipalité n’acceptera jamais que ses citoyens soient stigmatisés du fait de leur croyance.

L’occasion de vous redire que nous protégeons tous les cultes et que nous sommes très attachés à la liberté religieuse.

A la liberté tout court.

Et c’est un enjeu de taille !

Qui touche chacun de nous.

Qui touche chaque religion.

J’en veux pour preuve, tout dernièrement encore, l’arrestation par les forces de l’ordre d’un terroriste qui préparait des attentats contre une église à Villejuif.

Et je vous rejoins pleinement, Monsieur Joël Mergui, lorsque vous dites :

« En Orient, ce qui a touché les Juifs hier touche aujourd’hui les Chrétiens.

En Europe, ce qui aujourd’hui touche les Juifs risque de toucher demain les Chrétiens. »

Oui, soyons en bien conscient. Le combat que nous devons mener va bien au-delà du simple cadre d’une religion ou même des religions. En vérité, il s’agit du combat éternel entre le monde civilisé et la barbarie.

Mesdames, Messieurs,

nous avons la chance de vivre dans une ville apaisée, ouverte, tolérante,

une ville au sein de laquelle le respect de l’autre et de sa différence ne sont pas de vains mots,

une ville où le dialogue inter-religieux est une réalité concrète, qui se vit au jour le jour.

Et là où les liens sont forts, il y a des initiatives à prendre pour promouvoir les valeurs humanistes qui nous tiennent tant à cœur.

Comme il y a un devoir de mémoire qui doit être constamment exercé.

Un devoir de mémoire et un devoir d’action.

C’est au fond ce que nous devons à Philippe Braham.

Et je nous invite collectivement à réfléchir à cette pensée du résistant Pierre Brossolette, qui depuis quelques jours, repose au Panthéon parmi les grands Hommes et les grandes Dames de notre histoire de France :

« Ce que nos morts attendent de nous, ce n’est pas un sanglot, mais un élan. »

Je vous remercie.

Discours de notre Président Raphy Marciano et du jeune Benjamin le 7 juin 2015…

CEREMONIE A LA MEMOIRE DE PHILIPPE BRAHAM (Zal)

Sucy en Brie,  le dimanche 7 juin 2015

Allocution de notre Président Raphy Marciano,

Les victimes des terrifiants attentats terroristes qui ont ensanglanté la France au mois de janvier dernier, ne sont pas simplement des chiffres anonymes, dans la longue liste. Des hommes et des femmes de tout âge, de toutes conditions et de toutes origines, qui ont perdu la vie, par l’action funeste d’un fanatisme sans limites.

Les victimes avaient toutes un visage, un parcours, une histoire.

Elles avaient toutes des rêves, des aspirations, des idéaux, elles avaient toutes des êtres aimées, des parents, des conjoints, des enfants auxquels elles consacraient leur temps, leur énergie, leur tendresse.

Leur vie s’est arrêtée en une minute, comme conséquence tragique d’une haine féroce, qui n’était pas seulement la haine d’un groupe, d’une classe, d’une religion, mais qui était surtout la haine de la vie.

Si nous sommes réunis aujourd’hui ici à Sucy en Brie, c’est pour dire précisément

Oui à la vie !!

Oui à une vie de respect mutuel de dialogue, d’amitié,

Oui à la vie de volonté de construire ensemble une société meilleure.

C’est aussi pour dire non ! à la barbarie, au sadisme, à la passion intraitable de l’intolérance, à la destructivité gratuite. Non ! à la peur ! car si nous tombons dans le piège de la panique et si nous gardons le silence, les ennemis de la liberté auront gagné.

A travers l’hommage que nous rendons aujourd’hui à Philippe BRAHAM, c’est à toutes les victimes de la haine terroriste que nous pensons, et nous disons à tous les êtres chers du foyer BRAHAM, à sa femme Valérie, à ses enfants : Raphaël, Shirel, Naor et Ela, à ses frères… et à tous ceux qui l’ont connu et aimé que nous pensons avec beaucoup d’émotion, à sa vie joviale et généreuse, qui s’est arrêtée hélas une veille de shabbat, au moment où il faisait les dernières courses pour égayer et illuminer la fête du Shabbat à la maison, et pour sa famille.

Philippe a été fauché en pleine vigueur de la vie…

Aujourd’hui, les citoyens de notre République naviguent sur le même bateau.

A nous tous d’unir nos efforts pour que la tragédie de « Charlie Hebdo », Montrouge, et de la Porte de Vincennes ne détruisent pas notre confiance et notre foi en l’avenir de la France libre, de toute notre reconnaissance aux Pouvoirs Publics, à notre confiance dans cette République que nous aimons.

Merci aux personnalités qui se sont associées à cette émouvante cérémonie et qui ont tenu à être présent, à vous Madame Marie-Carole Ciuntu Maire de Sucy-en-Brie, à vous Monsieur Michel Mosiman Sous Prefet du Val de Marne, à vous Monsieur Yossi Gal Ambassadeur d’Israël en France, à vous Monsieur Haïm Korsia, Grand Rabbin de France, à vous Monsieur Joël Mergui Président de l’ACIP, à vous Monsieur Ariel Amar Président de l’IDF du CRIF.

Notre gratitude à nos amis chrétiens dans leur soutien, à toute la communauté de Sucy, à tous les habitants de Sucy qui viennent témoigner de leur affection et de leur soutien.

Et bien sûr à Valérie, à Michel, à ses frères, à la famille BRAHAM.

Nous sommes émus par votre courage et votre dignité, vous avez su dans cette douloureuse épreuve éviter les attitudes de vengeance et de haine et donner l’exemple à toute la Société.

Vous continuez ainsi cette ligné de dignité, courageuse qui est celle du judaïsme français, face aux terribles évènements qui l’ont perturbé aux cours de ces dernières années.

Et pour honorer la mémoire de Philippe BRAHAM, c’est ce dernier message qui nous semble incontournable avant de dévoiler la plaque dans une salle d’études dédiée à sa mémoire.

Enfin face à la violence arbitraire et aveugle, nous devons répondre par le rassemblement de tous les citoyens dans la défense de nos libertés, l’avenir de la France est à ce prix.

Raphy Marciano

 

DISCOURS DE BENJAMIN

Je suis né dans cette belle et agréable ville de Sucy en Brie, j’y ai vécu durant 14 ans jusqu’à ce jour. Tout au long de ces années, j’étais profondément lié à la communauté juive de notre ville, une communauté accueillante, ouverte et sensible.

Être juif a toujours été pour moi une source de bonheur et de fierté, car être juif, c’est appartenir à cette ancienne lignée qui a transmis au monde entier, les dix commandements et le devoir de respecter et d’honorer son prochain de toutes origines.

Pour moi être juif a toujours été associé à la fidélité, à la République Française, au bonheur d’appartenir à une nation qui a donné à l’humanité les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité de la révolution française.

Il y a quelques mois, notre vie, la vie de tous les habitants de notre ville, de toutes origines et religions, a été tragiquement troublée, bouleversée par un terrible attentat terroriste qui a coûté la vie à différentes victimes dont

Philippe BRAHAM, notre voisin, l’ami de tous ceux qui sont présents aujourd’hui.

Le drame terrible de nos frères et sœurs assassinés, victimes d’une haine aveugle, je l’ai connu jusqu’à présent seulement dans les pays des livres d’histoire.

Aujourd’hui tout est différent, et je sais maintenant que ce drame peut être celui de nos amis, de nos voisins, de nos camarades de tous.

A la famille endeuillée de Philippe et de Valérie, à la famille BRAHAM, je voudrais dire que nous les jeunes de la communauté, enfants de la République sommes de tout cœur avec vous. En ce moment où un jeune s’adresse à la ville et à ses autorités pour dire son chagrin.

Je sais qu’il n’est pas habituel de voir un jeune prendre la parole dans un monde balisé par les adultes dans une société codifiée par les adultes…

Mais il m’a semblé utile que ce monde entende aussi la manière dont les jeunes vivent cette terrible épreuve pour surmonter avec courage nos blessures, pour préparer le monde de demain, pour fortifier notre nation et les valeurs de cette République et enfin dire que la haine ne l’emportera pas, que la nouvelle génération est debout face à l’adversité et c’est notre confiance dans la nation de la République Française qui continue de nous animer et c’est mon éthique juive qui me donne l’espérance en l’humanité.

Tel est le message que Philippe nous a légué avec fierté et nous serons à la hauteur de son exemplarité.

Que le souvenir de Philippe soit comme nous tous dans la ville de Sucy en Brie une source.

Courage et bénédictions.

Benjamin Sitbon