Les vœux de Pierre Girard Président de l’Amitié Judéo Chretienne du Val de Marne

Le 12 septembre 2015

Roch Hachana 5776 à Sucy en Brie,

Merci une fois de plus, à vous tous, (Mr le Rabin, M. le Président) de nous accueillir chez vous dans votre synagogue. Vous nous permettez ainsi de perpétuer ce geste d’Amitié que la première présidente de notre groupe1, Jeanine Devaux avait coutume de faire chaque année à l’occasion de Roch Hachana où vous nous permettez de vous remettre cette affiche fruit du travail de représentants de la communauté catholique et de représentants de la fédération protestante de France. En souhaitant une bonne année à nos amis juifs, comme le psalmiste nous demandons au Seigneur :

« Enseigne-moi Seigneur, ton chemin et conduis-moi dans une voie de droiture ».2

Depuis de nombreuses années notre dialogue à deux voix nous a appris à mieux nous connaître, à mieux connaître l’autre pour apprendre, pour comprendre et pour combattre les préjugés. Après tout ce chemin parcouru, il nous faut encore dépasser les thèmes de « rupture » et de « substitution » pour découvrir comment judaïsme et christianisme se sont construit l’un face à l’autre voir l’un contre l’autre, ceci à partir d’une souche commune. Grace à Dieu nous pouvons maintenant parler non seulement de « fraternité retrouvée » mais aussi de « l’inéluctable fraternité » qui nous unit.

En disant cela je ne fais qu’actualiser ce qu’en 1960, le grand penseur juif Emanuel Levinas écrivait à propos de l’amitié judéo-chrétienne :

« Le but profond de l’amitié judéo-chrétienne doit consister non seulement à reconnaître la personne humaine sous l’identité de juif et de chrétien mais à reconnaître l’importance en l’autre en tant que juif dans la perspective chrétienne  et de l’autre en tant que chrétien dans la perspective juive… Si l’une ou l’autre spiritualité n’avait pas existé, il aurait fallu l’inventer – voilà la vraie formule, fût-elle voltairienne de l’Amitié judéo chrétienne» 3

« Enseigne-moi Seigneur, ton chemin et conduis-moi dans une voie de droiture ».

Telle est notre demande en ce début d’année. Face à la tentation du repli identitaire et communautarisme, écoutons les grands textes de nos traditions qui nous poussent à aller au-delà de nos peurs. A l’heure où les politiques s’affrontent autour de deux grandes questions : la défense de la vie et la défense de la dignité de tout homme, rappelons nous les exigences éthiques que nous enseignent nos deux traditions.

Le dimanche 06 septembre Haïm Korsia,  Grand rabbin de France nous rappelait que « Les migrants sont nos frères en humanité ». Ce dernier poursuivait en disant :

« Dieu demande d’aimer l’étranger. Ce commandement figure dans le Lévitique et le Deutéronome: « Vous traiterez l’étranger en séjour parmi vous comme un autochtone du milieu de vous ; tu l’aimeras comme toi-même, car vous avez été étrangers dans le pays d’Égypte. Je suis l’Éternel, votre Dieu. » (Lév 19.33) « Vous aimerez l’étranger, car vous avez été des étrangers dans le pays d’Égypte. » (Deut 10.19). L’étranger n’est pas et ne peut être exclu de cet amour du prochain qui est l’essence même de la Loi. »4

Ce même dimanche le Pape François lors de l’Angélus  déclarait :

« Face à la tragédie de dizaines de milliers de réfugiés qui fuient la mort, liée à la guerre et à la faim, et sont en chemin vers une espérance de vie, l’Évangile nous appelle à être proche des plus petits et des personnes abandonnées. À leur donner une espérance concrète. Nous ne pouvons pas seulement dire « courage, patience !… » L’espérance est combative, avec la ténacité de celui qui avance vers un but sûr »

Par ses messages le Grand Rabbin et le Pape nous rappelle qu’ « Aujourd’hui, il ne s’agit pas simplement d’une amitié juifs-chrétiens, mais d’une mission commune des Juifs et des Chrétiens, d’une responsabilité commune des Juifs et des Chrétiens à l’égard du sort de l’humanité »5

Que la sonnerie du Chofar nous aide à sortir de notre torpeur pour répondre à l’appel de notre Père commun, le Père d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, de Jésus.

Que cette année 5776 soit douce comme le miel. Chana tova, pour chacun d’entre vous, pour vos familles, pour vos projets et pour votre communauté.

Que l’Eternel vous bénisse.

Pierre Girard,  président de l’AJC du Val de Marne

Le mot de notre Rabbin Chimon Tapiero

L’heure est venue de célébrer les fêtes de Tichri, et en premier lieu les fêtes de Roch Hachanna. Cependant, nous sommes encore marqués, et quelque part traumatisés, par les évènements tragiques que nous avons vécus au cours de cette année.

Plus encore que la tristesse qui a accompagné ces évènements, c’est surtout le sentiment de vivre une fin de cycle et de voir notre horizon s’assombrir brusquement, qui nous tourmente. L’inquiétude des parents, qui se concentre généralement sur l’avenir de leurs enfants, porte aujourd’hui sur leur propre avenir.

Il existe un point commun à tous les événements qui sont arrivés cette année, qu’ils soient tristes ou joyeux : ils ont tous, sans exception, été décidés à Roch Hachanna. Ils ne sont que l’expression de notre jugement passé.

Dès lors, il ne tient qu’à nous de tout mettre en œuvre pour que le jugement de cette nouvelle année soit plus clément.

Les étapes sont connues de chacun : introspection, aveu, repentir…et elles nous mènent toutes à un des points fondamentaux du judaïsme, qui est la responsabilisation de chacun d’entre nous.

Oui, plutôt que de chercher à fuir, nous préférons prendre sur nous de nous améliorer dans notre pratique des commandements de la Torah, dans notre caractère aussi, afin de faire en sorte qu’Hachem nous inscrive dans le Livre de la vie.

Oui, le travail est long et difficile, mais ne nous inquiétons pas car Roch Hachanna n’est que l’occasion d’amorcer ce processus d’amélioration. Nous n’arriverons peut être pas (surement pas pour être francs) au bout de cette tâche, mais qu’importe, nous nous serons engagés sur la bonne voie.

Il est intéressant de noter que la traduction littérale de Roch Hachanna est « tête » de l’année. Pourquoi ne pas avoir choisi de l’appeler « début d’année » tout simplement ? Peut-être est-ce là une allusion au fait que le jugement de Roch Hachanna dépendra de la direction vers laquelle se tourne notre esprit.

Quelle chance avons-nous ! Malgré nos fautes et nos imperfections, un simple regard – sincère – tourné vers le haut pourra faire pencher la balance en notre faveur.

Je souhaite à toute la communauté ainsi qu’à tout Israël d’être inscrits dans le Livre de la vie, une vie d’abondance matérielle et spirituelle. Qu’Hachem envoie une guérison complète à tous nos malades et que nous puissions dire : «Que termine l’année et ses malédictions, et que commence la nouvelle année et ses bénédictions ».

Chimon Tapiero, Rabbin de Sucy en Brie