Discours de notre Rabbin Shimon Tapiero du Dimanche 25/01

En ce début d’année, marquée par des évènements tragiques en France et dans le monde, et par l’inquiétude qui règne dans nos sociétés.

Il est important, il est urgent, même de ne pas céder au désespoir et à l’angoisse, et de garder dans nos cœurs l’espérance, et la confiance dans un avenir meilleur pour notre ville de Sucy, pour notre patrie, pour l’Europe et pour toute l’humanité.

Pour nous croyants, de toutes confessions, la Prière témoigne de nos idéaux, de nos espérances et de nos rêves.

Le prophète Jérémie, l’une des grandes figures de l’antiquité biblique, s’adressait à ses compatriotes judéens exilés en Babylonie, avec cette phrase clairvoyante, que nous devons tous méditer

« Priez pour la paix et le bonheur du pays, dans lequel vous résidez, car la paix du pays sera aussi la vôtre, et le bonheur de toute la nation amènera votre propre bonheur ».

A nous hommes et femmes de foi et de conviction, de penser à la liberté, et au bien être de toute notre cité, de tous les habitants de notre ville, sans exception, loin de tout égoïsme, de tout  enfermement et de toute crispation….

A nous de participer aux grands efforts collectifs, pour continuer de faire de Sucy un lieu exemplaire en France, un modèle de coopération, de dialogue, et de libre circulation des idées, entre tous les habitants de notre belle et libre commune, pour une ville de Sucy

en Brie confiante dans son destin, libre dans l’expression de ses idées, créative dans ses projets.

Je formule au nom du judaïsme de notre ville, les vœux les plus fervents dans cette année qui commence.

A vous Madame la Maire, des vœux de réussite pour toute votre équipe, des vœux de bonheur pour tous les employés de la ville de Sucy, qui nous permettent de vivre au quotidien dans une ville agréable et attrayante, et des souhaits de joie, bonheur et santé, pour vous Madame CIENTU et pour votre famille.

A vous tous, chers amis de la communauté chrétienne et musulmane,  une année de fraternité et de partage.

Shimon Tapiero

Rabbin de Sucy en Brie

Discours prononcé par Madame le Maire lors des vœux inter religieux de dimanche

Dimanche 25 janvier 2015

Mesdames, Messieurs les élus, Chers Collègues,

Messieurs les représentants des communautés religieuses, juive, musulmane, catholique, orthodoxe, protestante,

Mesdames et Messieurs,

Nous nous retrouvons cette année dans un climat très particulier, à quelques jours des attentats qui ont endeuillé notre pays.

Dans un tel contexte, la parole de chacun est d’autant plus attendue. Plus que jamais, cet échange de vœux prend tout son sens. Oui, nous avons tous un message à porter, vous communautés religieuses, nous Municipalité.

Pour ma part, il m’a paru évident d’aborder un sujet fondamental qui est au cœur de notre modèle social et qui fait aussi toute la singularité des violences que nous avons connues chez nous. Je veux parler de notre interprétation de la laïcité et de la liberté d’expression.

Le préambule de notre Constitution nous précise ceci : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »

Notre République protège toutes les croyances, leur reconnaît une place à chacune. Elle sépare aussi très clairement la sphère publique et la sphère religieuse en défendant un principe de neutralité des services publics et des institutions politiques. Elle défend la liberté de croire et celle de ne pas croire.

Ce modèle français, fruit d’une longue histoire et hérité de la Révolution, est à la fois singulier et exigeant.

Singulier, oui il l’est. Il n’y a qu’en France, à ma connaissance, où l’on s’en est pris, dans un tel déchaînement de violence, à un journal en cherchant à tuer un à un l’ensemble de ses auteurs parce qu’il n’y a guère qu’en France où l’on accepte une telle liberté d’expression qui va jusqu’à inclure le très mauvais goût et la franche provocation à l’égard de toutes les institutions, de toutes les religions. Il suffit pour s’en convaincre de voir les réactions dans le monde, certes plus ou moins spontanées, dans les pays musulmans mais aussi dans le monde anglo-saxon, à la dernière parution du journal Charlie Hebdo. Le Pape lui-même a fait part de sa réaction avec une franchise et une sincérité qui rejoint finalement ce que beaucoup pensent en le disant plus ou moins ouvertement.

Exigeant, oui, notre modèle est très exigeant. Il ne s’agit pas d’avoir raison contre le monde ou de se considérer comme supérieur à tous. Ce sont là deux travers, il est vrai, très français. Il s’agit simplement de rappeler ce qui constitue notre socle commun, c’est-à-dire notre conception de la liberté et de la Nation qui est une et indivisible, qui s’oppose au communautarisme. Rappeler la place qui est celle des religions. Nous devons inlassablement défendre et expliquer notre histoire et ce modèle qui est un point d’équilibre que nous avons mis plusieurs siècles à atteindre.

Cette exigence ne nous empêche pas, bien au contraire, de respecter les croyances de chacun, de prendre soin de ne pas heurter celui qui pense différemment de nous, de ne pas donner l’impression si dévastatrice d’une liberté d’expression à géométrie variable. Mais, ne nous le cachons pas, la difficulté est là.

C’est vrai pour la Municipalité à laquelle il revient de faire appliquer au quotidien nos principes républicains. C’est vrai aussi pour vous, représentants de toutes les confessions. J’en suis bien consciente. Par nature, les religions procèdent du sacré et de l’absolu. Reconnaître les limites posées dans le monde temporel et s’insérer dans un ordre laïc ne va pas toujours de soi.

Vous l’avez peut être remarqué, à Sucy, nous avons fait très attention à ne pas tomber dans l’utilisation un peu facile et systématique du slogan « nous sommes tous Charlie ». Non pas évidemment que nous ne nous reconnaissons pas dans la défense de nos valeurs et de la liberté d’expression telle que nous la concevons en France. Nous nous y reconnaissons pleinement et nous réaffirmons ici que ces valeurs ne sont pas négociables. Mais « être Charlie », c’est aussi avoir le droit de ne pas être d’accord avec Charlie. Et heureusement ! C’est en pensant à tous les sucyciens, dans toute l’étendue de leurs croyances, de leurs origines et de leurs appartenances que nous avons fait ce choix. Dans le même temps, le principe qui nous guide est très clair. C’est celui de la tolérance inspirée par l’esprit des Lumières : « je ne suis pas d’accord avec vos idées mais je me battrai pour que vous puissiez les exprimer ! »

Il y a quelque malice à citer devant vous cette célèbre formule prêtée à Voltaire ou plus exactement inspirée des thèses qu’il a défendues, lui qui, bien que croyant en Dieu, a pris ses distances avec toutes les religions. J’espère que vous ne m’en voudrez pas trop !

Il s’agit pour moi de remonter par là aux origines mêmes de la laïcité à la française. Il s’agit de dire que, par delà toutes nos différences, nous pouvons et nous devons nous réunir dans un même attachement à nos valeurs, dans une même défense de nos principes. Nous avons tous un rôle d’explication à jouer, chacun avec ses mots et chacun à sa manière, à l’image de ce que nous avons fait le mercredi 14 janvier lors de notre rassemblement républicain qui a été un moment très apprécié par la population. Ce moment a été apprécié car il a contribué à rassurer tous les habitants et parmi eux les croyants, en particulier les juifs, ciblés par les attentats, les musulmans aussi, contre lesquels des réactions hostiles se sont exprimées. Ce moment a été apprécié parce qu’il a précisément démontré l’unité de tous les hommes et de toutes les femmes de bonne volonté contre un ennemie commun qui a pour nom barbarie, haine, intégrisme, intolérance, antisémitisme, racisme.

Je pense que nous devrions chercher tous ensemble à prolonger cette soirée du 14 janvier en s’appuyant sur les liens très forts qui nous unissent et en prenant certaines initiatives, en particulier avec et en direction des jeunes. Nous voyons d’ailleurs un peu partout en France se multiplier ce type d’initiatives qui prennent la forme de marches (comme celle partie de Bordeaux), de débats ou d’échanges entre les lieux de culte. A nous d’y réfléchir et ma porte, vous le savez, vous est largement ouverte. Grâce à vous, représentants de toutes les confessions, à votre participation active, nous pouvons donner un sens profond à ce que nous faisons. Je mesure la chance qui est la nôtre à Sucy de disposer, au sein de toutes les communautés, d’interlocuteurs de très grande qualité capables de mobiliser leur connaissance et leur intelligence au service de notre vivre ensemble. C’est vraiment très précieux à mes yeux comme aux yeux de tous les élus nombreux ici présents.

Alors pour conclure, je forme le vœu que nous trouvions ensemble, en cette année nouvelle qui a si tragiquement débuté dans le fracas des armes, le chemin de la paix et l’énergie d’entraîner sur ce chemin toute la Communauté sucycienne. Nous devons, plus que jamais, dire et répéter combien les religions sont porteuses de ce message de paix en ne laissant aucune place à tous ceux qui s’acharnent par tous les moyens à démontrer le contraire. Comme le dit si justement Ghaleb BENCHEIKH, islamologue érudit bien connu, « on ne peut pas et on ne doit pas se prévaloir d’un idéal religieux pour semer la haine. » Et encore cette formule qui est une formidable réponse à tous les excès : « l’extrémisme est le culte sans la culture ; le fondamentalisme est la croyance sans la connaissance ; l’intégrisme est la religiosité sans la spiritualité. »

Mesdames et Messieurs, je vous remercie.

Valérie Braham, épouse de Philippe victime de Coulibaly : « Ma vie est brisée »…

Valérie Braham BFMTV

Philippe Braham est l’une des quatre victimes d’Amedy Coulibaly. Tué lors de la prise d’otages de l’Hyper Cacher, à Paris, il laisse derrière lui une femme, et quatre enfants. Sous le choc, mais déterminée à ne pas fuir, Valérie, son épouse, témoigne sur BFMTV.

 « Ma vie, aujourd’hui, elle est brisée ». Le ton est las mais ferme. Valérie Braham se souviendra à jamais du 9 janvier 2015, date à laquelle elle a perdu son époux, Philippe. Il est l’une des quatre victimes d’Amedy Coulibaly, tué dans l’Hyper Cacher, porte de Vincennes à Paris. Un attentat qui a ému la France, et détruit des familles.

« J’ai l’impression que c’est arrivé hier. Je ne réalise pas du tout », confie à BFMTV cette mère de quatre enfants, encore sous le choc. « Je n’attends qu’une chose, c’est qu’il vienne toquer à la porte et qu’il me dise: ‘Valérie, je te raconte pas ce qui m’est arrivé, une histoire pas croyable' ». Alors que son regard se perd quelque part au loin, elle reprend avec la même tristesse: « Ca va prendre du temps à avaler tout ça. Ca va prendre du temps. »

« Tout va redevenir comme avant, mais pas pour moi »

« Ce qui me travaille beaucoup, c’est à quoi il a dû penser avant. J’imagine qu’il a dû avoir peur, qu’il a dû penser aux enfants et à moi, et ça, c’est quelque chose qui me perturbe », explique-t-elle sur le même ton, toujours ferme. Deux semaines après l’assassinat de son époux, elle a choisi de prendre la parole. Son visage, tiré, traduit sa douleur. Mais dans ses mots, aucune trace de sanglots.

« Les gens vont continuer leur vie. Tout va redevenir comme avant pour tout le monde… Mais par pour moi et pour les autres victimes. Moi, ma vie aujourd’hui, elle est brisée. Je pensais toujours que j’allais vieillir auprès de mon mari. Bah c’est pas le cas. »

« Dans une peur perpétuelle »

Bien qu’endeuillée, Valérie Braham reste déterminée et ne compte pas fuir face à la menace qui pèse sur sa communauté. Quand elle « voit tout ce qu’il (l’Etat) a déployé au niveau sécurité« , elle se sent rassurée. Mais pour combien de temps? « Une fois que l’histoire sera mise de côté, ça n’empêchera pas d’autres terroristes de recommencer. »

Pour elle, chaque jour est synonyme d’inquiétude, d’effroi. En emmenant ses enfants à l’école, Valérie Braham ne peut s’empêcher de scruter la rue pour vérifier qu’elle n’est pas épiée. « On ne peut pas rester comme ça, dans une peur … perpétuelle. […] Non, ce n’est pas vivable. »

« Je ne veux pas fuir »

« Angoissée, stressée. » C’est ainsi que se réveille chaque jour celle qui se qualifie de « bonne mère juive ». Mais lorsqu’on lui demande si elle envisage de quitter la France pour Israël, la réponse est catégorique: « Non. »  « Je suis Française, je suis née ici, je vis ici depuis presque 40 ans, affirme Valérie Braham, déterminée. C’est mon pays et le pays de mes enfants. C’est ici ma vie. Bien sûr que ça traverse l’esprit, mais pas au point de tout quitter pour partir, et surtout pas parce qu’il y a des menaces. Je ne veux pas fuir. (…) Je reste. »

Texte intégral de l’allocution de Bernard-Henri Lévy aux Nations Unies sur l’antisémitisme le 23/01/2015

« Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs.

Monsieur le Président et Monsieur le Secrétaire Général.

Mesdames et Messieurs les Ministres.

Ce n’est pas souvent qu’il revient à un philosophe de s’exprimer dans cette enceinte.

C’est l’une des première fois (Elie Wiesel, Jiddu Krishnamuti il y a trente ans…) qu’il est demandé à un ecrivain de se tenir ici, à cette tribune où ont retenti tant de grandes voix et où la cause de la paix et de la fraternité entre les hommes a connu quelques-unes de ses plus belles et nobles avancées.

Et c’est pour moi, croyez-le, une vive émotion et un honneur immense.

​​​​​Si vous m’avez invité, ce matin, ce n’est pourtant pas pour chanter l’honneur et la grandeur de l’humanité – mais c’est pour pleurer, hélas, les progrès de cette inhumanité radicale, de cette bassesse, qui s’appelle l’antisémitisme.

Bruxelles où l’on s’en est pris, il y a quelques mois, à la mémoire juive et à ses gardiens.

Paris où l’on a réentendu l’infâme cri de « Mort aux Juifs » et où, il y a quelques jours, l’on a tué des dessinateurs parce qu’ils dessinaient, des policiers parce qu’ils faisaient la police et des juifs parce qu’ils faisaient leurs courses et qu’ils étaient juste juifs.

D’autres capitales, beaucoup d’autres, en Europe et hors d’Europe, où la réprobation des juifs est en train de redevenir le mot de passe d’une  nouvelle secte d’assassins – à moins que ce ne soit la même, dans de nouveaux habits.

Votre Maison s’est édifiée contre cela.

Votre Assemblée avait la sainte tâche de conjurer le réveil de ces spectres.

Mais non, les spectres sont de retour – et c’est pour cela que nous sommes ici.

​​​​​Sur ce fléau, sur ses causes et sur les moyens d’y résister, je veux d’abord, Mesdames et Messieurs, Monsieur le Secrétaire Général, Monsieur le President, réfuter un certain nombre d’analyses courantes qui ne sont faites, j’en ai peur, que pour nous empêcher de regarder le mal en face.

Il n’est pas vrai, par exemple, que l’antisémitisme soit une variété parmi d’autres du racisme. Les deux doivent être combattus, bien sûr, avec une détermination égale. Mais l’on ne combat bien que ce que l’on comprend. Et il faut comprendre que, si le raciste hait dans l’Autre son altérité visible, l’antisémite en a, lui, après son invisible différence – et, de cette prise de conscience, va dépendre la nature des stratégies que l’on pourra et devra mettre en œuvre.

Il n’est pas vrai non plus que l’antisémitisme d’aujourd’hui ait, comme on l’entend partout, et en particulier aux Etats-Unis, ses sources principales dans le monde arabomusulman. Dans mon pays, par exemple, il a une double source et comme un double bind. D’un côté, c’est vrai, les enfants d’un islamisme radical devenu l’opium le plus toxique des territoires perdus de la République. Mais, de l’autre, cette vieille bête française qui, depuis l’affaire Dreyfus et Vichy, n’a jamais dormi que d’un œil et qui fait finalement bon ménage avec la bête islamofasciste.

Et il n’est pas exact enfin que la politique de tel ou tel Etat, je veux évidemment parler de l’Etat d’Israël, produise cet antisémitisme comme la nuée l’orage. J’ai connu des capitales, en Europe, où la destruction des juifs a été quasi totale et où l’antisémitisme est pourtant maximal. J’en ai connu d’autres, plus lointaines, où il n’y a jamais eu de juifs du tout et où le nom juif est pourtant synonyme de celui du Diable. Et j’affirme ici qu’Israël serait-il exemplaire, serait-il la patrie d’un peuple d’anges, reconnaitrait-il au peuple palestinien l’Etat auquel il a droit, que la plus ancienne des haines ne baisserait, malheureusement, pas d’un ton.

​​​​​Pour comprendre comment fonctionne l’antisémitisme d’aujourd’hui, il faut, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, donner congé à ces clichés et entendre la façon dont il s’exprime et se justifie.

Car jamais, au fond, les hommes ne se sont contentés de dire : « voilà, c’est comme ça, nous sommes de méchants hommes et nous haïssons  les pauvres juifs ».

Non.

Ils ont dit : « nous les haïssons parce qu’ils ont, eux, tué le Christ » – et c’était l’antisémitisme chrétien.

Ils ont dit : « nous les haïssons parce qu’ils l’ont, au contraire, en produisant le monothéisme, inventé » – et c’était l’antisémitisme de l’âge des Lumières qui voulait en finir avec toutes les religions.

Ils ont dit : « nous les haïssons parce qu’ils sont d’une autre espèce, reconnaissables à des traits de nature qui n’appartiennent qu’à eux et qui corrompent, polluent, les autres natures » – et c’était l’antisémitisme raciste, contemporain de la naissance des sciences modernes de la vie.

Ils ont encore dit : «  nous n’avons rien contre les juifs en soi ; non, non, vraiment rien ; et nous nous moquons d’ailleurs de savoir s’ils ont tué ou vu naître le Christ, s’ils forment ou non une race à part, etc ; notre problème, notre seul problème, c’est qu’ils sont d’horribles ploutocrates, acharnés à dominer le monde et à opprimer les humbles et les petits » – et c’était, dans toute l’Europe, ce socialisme des imbéciles qui infecta le mouvement ouvrier au début du XX° siècle et au delà.

Aujourd’hui, aucune de ces rhétoriques ne fonctionne plus.

Pour des raisons qui tiennent à l’histoire du dernier siècle, il n’y a plus que des minorités de femmes et d’hommes pour ne pas voir qu’elles ont toutes débouché sur des massacres abominables.

Et, pour que le vieux virus reparte à l’assaut des têtes, pour qu’il lui soit de nouveau possible d’enflammer de vastes foules, pour que des hommes et des femmes puissent, en grand nombre, et ce qu’à Dieu ne plaise, recommencer de haïr en toute bonne conscience ou croire, si l’on préfère, qu’il existe de justes raisons de s’en prendre aux juifs, il faut un argumentaire nouveau que l’Histoire universelle n’ait pas eu le temps de déconsidérer.

​​​​​L’antisémitisme d’aujourd’hui dit, en réalité, trois choses.

Il ne peut opérer sur grande échelle que s’il parvient à proférer et articuler trois énoncés honteux, mais inédits, et que le XX° siècle n’a pas disqualifiés.

Les juifs seraient haïssables parce qu’ils soutiendraient un mauvais Etat, illégitime et assassin – c’est le délire antisioniste des adversaires sans merci du rétablissement des Juifs dans leur foyer historique. Les juifs seraient d’autant plus haïssables qu’ils fonderaient leur Israël aimé sur une souffrance imaginaire ou, tout au moins, exagérée – c’est l’ignoble, l’atroce déni de la Shoah. Ils commettraient enfin, ce faisant, un troisième et dernier crime qui les rendrait plus détestables encore et qui consisterait, en nous entretenant inlassablement de la mémoire de leurs morts, à étouffer les autres mémoires, à faire taire les autres morts, à éclipser les autres martyres qui endeuillent le monde d’aujourd’hui et dont le plus emblématique serait celui des Palestiniens – et l’on est, là, au plus près decette imbécillité, de cette  lèpre, qui s’appelle la compétition des victimes. L’antisémitisme nouveau a besoin de ces trois énoncés.

C’est comme une bombe atomique morale qui aurait là ses trois composants.

Chacun, pris séparément, suffirait à discréditer un peuple redevenu objet d’opprobre ; mais qu’ils viennent à  s’additionner, que les composants se composent, que les trois fils entrent en contact et parviennent à former un nœud ou une tresse – et l’on est à peu près sûr d’assister à une déflagration dont tous les juifs, partout, seront les cibles désignées.

Car quel vilain peuple que celui dont on aurait insinué qu’il est capable de ces trois crimes !

Quel hideux portrait que celui d’une communauté de femmes et d’hommes accusés de trafiquer ce qu’ils ont de plus sacré, à savoir la mémoire de leurs morts, pour légitimer un Etat illégitime et intimer silence aux autres souffrants de la planète !

L’antisémitisme moderne c’est cela.

L’antisémitisme ne renaîtra sur grande échelle que s’il parvient à imposer ce tableau insensé et ignoble.

Il sera antisioniste, négationniste, carburant à l’imbécile compétition des douleurs – ou il ne sera pas : c’est d’une cohérence imparable ; c’est d’une détestable, méprisable mais infaillible logique.

Reconnaître cela, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,  Monsieur le Secrétaire Général, Monsieur le Président, c’est  commencer de voir, symétriquement, ce qu’il vous revient de faire pour lutter contre cette calamité.

Imaginons une Assemblée Générale des Nations Unies où Israël aurait sa place, toute sa place, celle d’un pays comme les autres, ni plus ni moins fautif que d’autres, soumis aux mêmes devoirs mais aussi aux mêmes droits– et imaginons qu’on lui rende justice en lui reconnaissant, au passage, d’être ce qu’il est vraiment : une authentique, solide et vaillante démocratie.

Imaginons une Assemblée Générale des Nations Unies qui, fidèle à son pacte fondateur, se ferait la gardienne sourcilleuse de la mémoire du pire génocide jamais conçu depuis qu’il y a des hommes – imaginons que cette année 2015 voie se tenir, sous votre égide et avec l’aide des plus hautes sommités scientifiques mondiales, la plus complète, la plus exhaustive, la plus définitive des conférences jamais réunie sur la tentative de destruction  des Juifs.

Et puis rêvons, quelque part entre New York, Genève, ou Jérusalem, d’une deuxième conférence consacrée, elle, à toutes les guerres oubliées qui endeuillent les terres habitées mais dont on ne parle jamais car elles n’entrent pas dans le cadre des blocs, ou des groupes, entre lesquels vous vous partagez – et  rêvons que cette seconde conférence, ce Sommet des damnés, prenant le contre-pied du sot et monstrueux préjugé voulant qu’il n’y ait de place dans un cœur que pour une seule et unique compassion, révèle ce qui fut la vraie vérité des décennies écoulées : c’est quand on avait la Shoah au cœur que l’on voyait tout de suite l’horreur de la purification ethnique en Bosnie ; c’est quand on avait en tête cet étalon de l’inhumain que fut le massacre planifié des juifs d’Europe que l’on comprenait sans tarderce qui se passait au Rwanda ou au Darfour ; bref, loin de nous rendre aveugles aux tourments des autres peuples, la volonté de ne rien oublier du tourment du peuple juif est ce qui rend saillante, évidente, l’immense affliction  des Burundais, des Angolais, des Zaïrois, j’en passe.

En adoptant ce programme, vous lutterez contre l’antisémitisme réel.

En réhabilitant cet Israël que votre Assemblée a porté sur les fonts baptismaux il y a presque 70 ans, en usant de votre autorité pour faire taire, une bonne fois, les crétins négationnistes et en vous portant, troisièmement, au secours de ces nouveaux damnés de la terre immolés sur l’autel de l’idéologie antisioniste, vous déconstruirez un à un chacun des composants du nouvel antisémitisme.

Mais vous défendrez en même temps, et dans le même mouvement, la cause de l’humanité.

​​​Je ne serais pas là, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, si je ne pensais pas que cette enceinte soit l’un des seuls lieux au monde, peut-être le seul, où puisse s’orchestrer cette solidarité des ébranlés dont parlait le grand philosophe tchèque Jan Patocka et qui aura été le fil de ma vie.

Quand, dans mon pays, les plus hautes autorités de l’Etat disent : « la France sans ses juifs ne serait plus la France », elles dressent une digue contre l’infamie.

Mais quand, dans ce même pays, on a vu un quart d’entre vous, un chef d’Etat et de gouvernement sur quatre, venir marcher à nos côtés pour dire « je suis Charlie, je suis policier, je suis juif », ce fut une raison d’espérer que l’on n’attendait plus.

Et votre présence même, ici, ce matin, votre volonté de rendre cet événement possible et, peut-être, mémorable, attestent que c’est sur tous les continents, dans toutes les cultures et toutes les civilisations, que l’on commence de prendre conscience que la lutte contre l’antisémitisme est une obligation pour tous – et c’est là une belle et grande nouvelle.

Quand on frappe un juif, disait un autre écrivain, c’est l’humanité qu’on jette à terre.

Quand on s’en prend aux Juifs, insista un antinazi de la première heure, c’est comme une première ligne enfoncée sous une invisible mitraille qui frappera ensuite, de proche en proche, le reste des humains.

Un monde sans juifs, non, ne serait plus un monde – un monde où les juifs recommenceraient d’être les boucs émissaires de toutes les peurs et de toutes les frustrations des peuples serait un monde où les hommes libres respireraient moins bien et où les asservis seraient plus asservis encore.

A vous, maintenant, de prendre la parole et d’agir.

A vous, qui êtes les visages du monde, d’être les architectes d’une maison où la mère de toutes les haines verrait sa place amenuisée.

Puissiez-vous, dans un an, et l’année suivante, et toutes les autres encore, vous retrouver pour constater que votre mobilisation d’aujourd’hui  n’est pas vaine et que la Bête peut reculer​. »

Lettre à un ami non-juif, par François Heilbronn

Après les assassinats antisémites de la Porte de Vincennes, la médiatisation de la « peur » des Juifs français et leur souhait de quitter leur pays, plusieurs amis non-juifs m’ont envoyé ce message affectueux : « Restez ». Au lendemain des mobilisations du dimanche 11 janvier, voici ce que je leur ai répondu.

« Salut vieux frère,

Bien sûr que nous allons rester chez nous, en France.

La France est notre pays. Les Juifs se sont battus en masse pour elle à chaque guerre.Ils lui ont donné 12 Nobel, des savants, des écrivains, des chefs de gouvernement, des poètes et même des humoristes. Ma famille est parisienne depuis 1731, et même aux pires heures, nous sommes restés en France. Nous nous sommes toujours battus pour elle et ses valeurs. Deux de mes grands oncles sont morts au champ d’honneur en 1940 et en 1944. A 18 ans,mon grand père fut en 1918, un des plus jeunes médaillés militaires. Je suis la sixième génération de ma famille à être décoré de la Légion d’honneur et ceci sans discontinuer. Officier de réserve parachutiste, j’ai la France et la défense de la République chevillées au corps comme tu le sais.

Alors, pourquoi donc, un tel malaise, chez les Français juifs?

Depuis octobre 2000, la population française n’a plus été solidaire des Juifs français, d’abord insultés, puis menacés et enfin assassinés dans leur pays. Ils ont le sentiment d’avoir été abandonnés par elle. François Hollande et Manuel Valls ont été bien seuls pour leur défense. Après la tuerie à l’école juive de Toulouse, il y a moins de trois ans, nous n’étions que 10.000 à défiler dans Paris et en très très grande majorité Juifs. Nous nous sommes sentis bien seuls. Où se trouvaient-ils, les 3,7 millions de Français d’hier ? C est vrai, on n’avait assassiné que des parachutistes, et des enfants dans une cour d’école juive !!! On avait tué trois enfants à bout portant, pour le simple fait qu’ils étaient Juifs. Où étais-tu, toi le vieux frère? Pas dans la rue avec moi en tous cas.

Et cet été quand des hordes criaient sur cette même Place de la République « Mort aux Juifs », et brandissaient des drapeaux du Hamas, du Hezbollah et de Daesh, aux côtés du NPA et de la CGT, puis attaquaient en bandes organisées les synagogues de la Roquette et de Sarcelles, où étaient les Français de « Je suis Charlie » ? Beaucoup d’entre eux, sourds à la clameur antisémite, critiquaient même l’interdiction pourtant légitime de ces manifestations.

Et le 6 octobre 2000, quand pour la première fois depuis 1945 on a crié “Mort aux Juifs” dans les rues de Paris, où étais-tu ? Tu me disais : « c’est un épiphénomène ». Certains de nos amis m’expliquaient même à la lecture du Monde, que tout ceci était la faute d’Israël.

Notre histoire nous a appris à être des “guetteurs” de la démocratie. Tu ne voulais pas lire “Les territoires perdus de la République”sous la direction d’Emmanuel Brenner que je t’avais donné en 2003. Tu n’es pas venu manifester avec moi, en 2006 pour Ilan Halimi et en 2012 en soutien aux enfants juifs de Toulouse. Pourtant tu te trouvais à mes côtés après les crimes de Copernic,de la rue des Rosiers, puis de la profanation de Carpentras. Pourquoi, durant ces 14 ans où je t’ai expliqué qu’un vent mauvais s’est levé sur notre pays, tu ne m’as pas cru ?

Tu possèdes des circonstances atténuantes. Des journaux comme « Le Monde », les dépêches de l’AFP, les journaux télévisés,certains hommes politiques, tous t’avaient expliqué pour qualifier la multiplication des agressions antisémites que : « les tensions intercommunautaires étaient liées aux évènements du Proche-Orient ». Pourquoi, les as-tu-cru eux et pas moi quand je te disais que cela n’avait rien à voir? J’avais beau te répéter que des islamistes radicalisaient une certaine jeunesse en leur enseignant la haine du Juif, des femmes, de la démocratie et de la liberté et que bientôt nous aurons des djihadistes français, tu ne m’entendais pas.

Je sais que comme Manuel Valls tu penses que « la France sans les Juifs ne serait plus la France ». Tu as raison, mais pour cela, il va falloir te battre à nos côtés et cette fois-ci nous écouter quand on t’alerte.

Donc, au combat l’ami. Rejoins-nous. Sinon la France risque de devenir « Judenfrei » comme l’est déjà le reste de l’Europe.

Je t’embrasse fraternellement.»

François Heilbronn Professeur associé à Sciences-Po et Conseiller en entreprise

Chère France, je t’aime mais tu ne m’as pas laissé d’autre choix que te quitter…

Au lendemain des tragiques événements qui ont touché la France, « une future expat’ juive » a souhaité exprimer ce qu’elle ressentait en tant que juive française et expliquer pourquoi elle en est arrivée à se dire qu’elle devait quitter ce pays.

Pour la première fois, moi juive française, qui durant toute ma vie n’ait jamais considéré une seule seconde de partir vivre en Israël, je viens de changer d’avis.

J’ai toujours été la première à défendre la croyance en un avenir pour les juifs en diaspora, à critiquer l’Alyah, à dire à mes amis qui partaient pour Israël que ce n’était pas une fin en soi, qu’ils ne trouveraient pas de job là-bas, que la société israelienne n’était peut-être pas prête à nous accueillir. Je me suis accrochée à la conviction qu’en tant que juive française, je pouvais réussir ma vie dans ce pays, mon pays. La France, pays dans lequel je suis née, dans lequel j’ai monté ma boîte.

J’ai voulu croire qu’après les drames Ilan Halimi et la tuerie de Toulouse, la France avait compris ce à quoi elle était confrontée. J’avais regretté avec tristesse que presque seuls les juifs descendent dans la rue à l’époque. Mais je voulais encore croire aux « plus jamais ça ».

Et puis en ce début d’année 2015, cette horreur sans nom. D’abord ce massacre chez Charlie Hebdo, puis dans cette même épicerie casher où j’étais allée moi-même faire des courses une semaine plus tôt à la même heure. Parmi les otages se trouvait une personne que je connaissais, qui heureusement en est sortie saine et sauve. Je me suis dit que ça aurait pu être moi ou quelqu’un de ma famille. Et, surtout, je me suis demandée ce que je faisais encore là, en France, avec ce point rouge sur mon front. Quand on sera morts il sera trop tard pour partir.

Pour la première fois depuis l’occupation, la Grande Synagogue de Paris a fermé ses portes un jour de Shabbat. Les écoles juives et les restaurants casher sont fébriles. Des membres de ma famille ont retiré leur mezouza de leur porte d’entrée par peur ou pour certains parce que les voisins leur ont demandé de le faire, pour « ne pas mettre l’immeuble en danger ». Tout cela réveille des souvenirs lointains profondément effrayants.

Après les intellectuels de gauche (qui ont toléré la haine du juif dans les quartiers au nom du vivre ensemble et de la bien-pensance, et semblent aujourd’hui plus concernés par l’islamophobie que par l’antisémitisme), les médias (qui refusent de voir l’horrible réalité en face en appelant les juifs tués dans l’épicerie des « otages »), ce sont maintenant les pouvoirs publics qui nous ont abandonnés, nous juifs. Pas volontairement, mais par impuissance, tout simplement.

Comment croire Manuel Valls lorsqu’il affirme que les juifs doivent rester et que tout sera mis en oeuvre pour qu’ils se sentent en sécurité ? La France va baisser la garde et c’est normal, parce qu’on ne peut pas mobiliser en permanence des militaires pour surveiller les lieux juifs. Après tous ces drames, sans parler des agressions antisémites devenues « anecdotiques » que l’on voit passer au quotidien, malgré toute mon envie de croire ces paroles rassurantes, je n’y arrive plus.

Et encore moins quand je vois la génération de demain qui est en train de se dessiner sous nos yeux qui refusent de le voir. Ces élèves qui dans les écoles primaires rigolent pendant la minute de silence et répètent que c’est « bien fait pour la France ». Ces ados sur Twitter qui érigent en héros les terroristes ou ceux qui ne comprennent pas pourquoi « on en fait autant pour les juifs ». Ces personnes qui, même parmi mes propres amis, suivent Dieudonné sur les réseaux sociaux et dédramatisent ses propos. Ou encore ceux qui nous somment d’arrêter de nous « victimiser ».

La faible proportion de gens qui, à la marche républicaine de dimanche, ont évoqué la tuerie de Porte de Vincennes sur leurs panneaux ou dans leurs témoignages aux caméras de télévision, la majorité étant là avant tout pour défendre la liberté d’expression. Il y avait pourtant deux combats à défendre symboliquement : la liberté d’expression mais aussi la liberté de culte. Nous mêmes juifs avons hésité à écrire #JesuisJuif aux côtés de #JeSuisCharlie sur nos pancartes, par peur que cela nous cause des problèmes. Tout le monde était Charlie, ça c’est sûr, et c’est très bien. Mais parmi ces Charlie, qui s’indignait qu’on tue des juifs au même titre que des journalistes ? Qui avait vraiment pris la mesure de la gravité de l’antisémitisme en France ? Est-il également nécessaire de rappeler la très faible représentation des musulmans à cette marche ? Où étaient soudainement tous ces militants engagés qui étaient descendus dans la rue pour la Palestine quelques mois plus tôt ? (Et accessoirement, pour certains, afin de crier « morts aux juifs » avec la bénédiction des politiques qui ont mené les cortèges en fermant les yeux). Je remercie les musulmans avec qui j’ai marché en ce 11 janvier, car il y en avait fort heureusement, et certains ont prononcé des discours touchants. Mais malheureusement ils étaient trop peu alors qu’ils avaient pourtant l’opportunité justement de défendre leur religion et ses valeurs face à des radicaux qui la prennent en otage. Pourquoi ce silence ?

Dimanche la France était dans la rue, émue et indignée. C’était beau, c’était touchant. Mais elle aurait dû s’indigner avant. Pourquoi cet élan citoyen tardif ? Où étaient ces millions de personnes indignées partout en France lorsque des français sont morts parce que juifs en 2012 ? Il a fallu que la France soit touchée de plein coeur, qu’on tue des personnes connues, des journalistes, pour qu’elle ouvre enfin les yeux sur ses ennemis. Je ne me fais pas d’illusion, si seul l’Hypercacher avait été visé, je doute fortement que nous aurions été aussi nombreux à défiler malheureusement.

Je suis rassurée pour la liberté d’expression, elle n’est pas en danger, la rue l’a prouvé, elle la défendra. En revanche, je m’inquiète pour mes concitoyens juifs.

Dans quelques mois la vie reprendra son cours, avec ses attaques antisémites dans le métro, avec la peur au ventre chez les juifs qui voient les drames s’accumuler et craignent désormais pour leur vie. Pendant ce temps des politiciens d’extrême gauche trouvent des excuses à l’inexcusable et ont pour priorité de combattre les amalgames avant même de combattre la haine, pour priorité de défendre préventivement une population qui risque la discrimination plutôt qu’une population qui tombe déjà sous les balles.

Pour ma part, je ne peux plus être spectatrice impuissante de tout cela et vivre avec la peur d’aller faire de simples courses. Alors oui, il faut partir dès que possible. En Israël peut-être ou pourquoi pas aux Etats-Unis. N’importe où tant que je puisse me sentir en sécurité pour construire un foyer.

D’aucuns me rétorqueront que ce n’est pas à moi de partir, qu’il ne faut pas laisser la victoire à des cons et que c’est plutôt eux qui doivent être chassés. Malheureusement les cons sont trop nombreux et la France a encore les yeux mi-clos, et si j’attends qu’elle les ouvre complètement ce sera peut-être déjà trop tard. Alors comme la génération de mes parents avant moi, je vais quitter ma terre natale et essayer de trouver, j’espère, une vie meilleure ailleurs.

France, je te dis au revoir. Et sans rancune.

Une future expat’ juive

Discours de Raphy Marciano lors du Rassemblement Républicain du 14/01 à Sucy

Chers compatriotes,

La France est blessée, elle vient de subir successivement, avec une incroyable rapidité, des agressions meurtrières, d’une intensité jamais connues depuis la seconde guerre mondiale.

L’attentat sanglant contre le journal Charlie Hebdo n’est pas un fait isolé. Il s’agit d’une tentative fanatique et mortifère de détruire la presse libre, de réduire au silence la pensée critique, de punir l’indépendance d’esprit.

Les assassins qui ont tué les journalistes et dessinateurs de Charlie Hebdo, et aussi ne l’oublions pas, les personnes de l’entreprise et les agents de la force publique, ont voulu transformer la France en un cimetière intellectuel et culturel.

Ils ont exprimé par  leur haine, leur barbarie du débat, le refus de la libre circulation des idées, leur volonté d’enfermer notre nation et avec elle le monde civilisé, dans une forteresse mentale, dans une prison imperméable et hermétique, où règnerait le dogmatisme le plus fanatique, et tyrannique.

Après cet odieux épisode qui nous rappelle les représailles sinistres de la milice contre les résistants et patriotes français, dans les heures les plus sombres de l’occupation, un deuxième attentat a été perpétré à Montrouge, où un malheureux agent de police municipale a perdu la vie, victime d’un terrorisme aveugle, s’érigeant en justicier céleste avec le droit de vie et de mort sur tout passant.

Le 3ème et dernier épisode de cette sinistre et funeste série a été la prise d’otage de l’épicerie Hyper Cacher de la porte de Vincennes, un vendredi après-midi, à l’heure où les familles juives procèdent aux derniers achats, avant le début de la célébration du shabbat, vendredi soir.

Un épisode qui s’inscrit incontestablement et de l’avis de tous les experts, dans une haine antisémite extrême, où les juifs sont visés en tant que juifs, c’est-à-dire en tant que cibles d’une agressivité sans limites, destinée à frapper la communauté juive dans son existence et dans les gestes de la vie quotidienne. Les quatre victimes de l’attentat de la porte de Vincennes sont mortes au nom de cette passion, meurtrière intraitable, et haineuse.

Notre ville de Sucy est  particulièrement touchée dans sa chair, par cette tragédie meurtrière, car parmi les victimes nous déplorons la disparition prématuré d’un jeune père de famille : Philippe Braham.

Nombreux sont nos concitoyens de Sucy qui ont connu et apprécié ce jeune homme profondément intégré dans la société Française. Il est tombé, victime d’un désir criminel de destructivité sans bornes.

Face à cette tempête de violence, commise au nom de la foi et des valeurs sacrées de l’humanité, notre société doit impérativement s’unir, comme elle l’a fait au cours des manifestations ou des citoyens sans aucun mot d’ordre, sans aucunes consignes, de parti, ou de groupes, ont exprimé leur solidarité avec les victimes, avec des mots simples mais sincères et profond : « je suis Charlie, je suis policier, je suis juif, je suis français, je suis républicain ».

Les derniers évènements ont montré que c’est seulement par l’action commune, énergique et responsable de toutes les forces vives de notre société, que nous pouvons combattre ce fléau de haine, et de destruction.

Allons plus loin, les religions de la France ne peuvent pas et ne doivent pas laisser au seul pouvoir public, la responsabilité de ce combat, qui doit être le combat de tous, des Nations, des gouvernants, et des citoyens.

Ensemble chrétiens, musulmans, juifs, héritiers d’une foi monothéiste, qui proclame l’unité des hommes, selon le message de notre père commun Abraham, doivent unir leurs efforts dans cette lutte tenace qui s’annonce.

Nous citoyens de confession juive, n’accepteront jamais d’être mis au ban de la nation, par des groupements fanatiques de quelque nature que ce soit.

Je dois vous dire, chers compatriotes, que la communauté juive de France, a vécu, ces dernières années dans l’angoisse, et l’inquiétude.

Une succession d’évènements traumatiques, ont marqué notre  histoire, l’atroce enlèvement et assassinat du jeune Ilan Halimi, le meurtre des 3 enfants et d’un enseignent juive à l’école juive de Toulouse, l’attentat meurtrier du musée juif de Bruxelles, et les derniers évènements que nous venons de vivre ont plongé de nombreux citoyens juifs dans l’incertitude. Je suis de ceux qui pensent que nous devons résister au désespoir, par l’action.

Cette action ne saurait être celle d’un seul groupe, d’un seul secteur de la nation, elle doit être l’action solidaire de toutes les composantes de notre patrie.

L’union interconfessionnelle s’inscrit ainsi dans l’union nationale, plus urgente que jamais.

A nous juifs de France de résister à l’angoisse, et au désespoir, pour envisager une  vie de liberté dans cette France, à laquelle nous sommes tellement attachés, et à laquelle nous avons tant contribué à travers l’histoire avec tellement de dévotion.

A nos amis chrétiens de poursuivre dans la voie de l’ouverture et du dialogue exprimée  très   heureusement   par les  plus  grandes  personnalités  du  christianisme français catholique, protestant, orthodoxe.

Enfin, nos amis musulmans ont une responsabilité primordiale dans cette grande entreprise collective. Les musulmans de France ne sont pas sommés de s’expliquer, comme s’ils étaient soupçonné de quoi  que ce soit, ils ne sont pas sommés de s’expliquer, mais ils  sont  appelés à s’exprimer, ce qui n’est pas la même chose. Appelés à s’exprimer parce que leurs paroles sont indispensables pour rétablir la vérité dans un monde de confusion.

Amis musulmans ne laissez pas les ennemis de la civilisation et de la liberté parler en votre nom, prenez la parole, refusez le silence, il faut que votre voix soit entendue et respectée par toute la nation.

Au-delà des religions dans ce pays de laïcité, de pluralisme, et de tolérance, ce sont tous les citoyens croyants et non croyants, de toutes opinions, de toutes sensibilités, qui doivent former le front pour dire non à la barbarie, oui au vivre ensemble dans la liberté et dans le respect mutuel.

Merci

Raphy Marciano

14/01/2015 Allocution de Marie-Carole CIUNTU, Maire de Sucy-en-Brie

Allocution de Marie-Carole CIUNTU, Maire de Sucy-en-Brie

Rassemblement républicain en hommage aux victimes du terrorisme

et autour des valeurs qui fondent notre Démocratie

Mercredi 14 janvier 2015

 

 Mes Chers Concitoyens,

 Dimanche, la France avait rendez-vous avec elle-même et elle était bien là, debout, fidèle au rendez-vous. Quatre millions de personnes se sont rassemblées à Paris et dans tout le pays, choquées par trois jours d’attaques terroristes successives, émues par le souvenir des victimes et mobilisées pour défendre les valeurs de notre République.

 Un grand journal du soir titrait il y a quelques jours « le 11 septembre français » pour qualifier l’abominable tuerie, au cours de laquelle douze personnes ont trouvé la mort et qui a eu lieu mercredi 7 janvier 2015, en plein Paris, au siège du journal Charlie Hebdo. Ce titre donne sa pleine mesure et sa cruelle vérité à cet acte terroriste, aussi barbare que lâche, commis avec des armes de guerre. Pour preuve, l’immense émotion qu’il a suscité dans le monde entier. La liberté d’expression était frappée au cœur.

 Pourtant, la violence n’allait pas s’arrêter là. Le lendemain, à Montrouge, c’était au tour d’une jeune policière municipale de la commune d’être assassinée. Le surlendemain, Porte de Vincennes, ce sont quatre clients d’un commerce de produits casher qui ont été abattus. Parmi eux, Philippe BRAHAM dont le frère est l’un des responsables de la communauté juive de Sucy.

 Je veux, en cet instant solennel de recueillement, au nom de l’ensemble du Conseil Municipal rassemblé en un seul et même élan, au nom de toute la population, rendre hommage à ces dix-sept victimes du fanatisme. Dix-sept victimes, tuées parce qu’elles étaient des esprits libres et impertinents, parce qu’elles incarnaient l’ordre public, parce qu’elles étaient juives. Je tiens à avoir une pensée toute particulière pour la famille de Philippe BRAHAM qui habitait l’Haÿ-les-Roses avec son épouse et ses trois enfants de 8 ans, 3 ans et sa dernière petite fille âgée de 20 mois. Nous partageons tous ensemble leur douleur et leur chagrin.

 Les trois auteurs de ces actes, ces trois assassins, dont nous avons appris ensuite qu’ils étaient liés, ont été éliminés. La mobilisation, la détermination et le courage de nos forces de l’ordre ont permis de parvenir rapidement à cet épilogue qui résonne pour nous tous comme un soulagement, si précaire soit-il.

 Rendre l’hommage de la Nation à toutes ces victimes est bien le moins que nous puissions faire.

Mais cela ne suffit pas.

 Nous devons nous rassembler. De ce point de vue, les manifestations nationales de dimanche étaient une éclatante démonstration. Elles ne doivent cependant pas apparaître comme une parenthèse enchantée. Nous devons nous rassembler profondément, sincèrement et durablement. Certes, l’unité est toujours difficile dans une Démocratie qui repose par principe sur la liberté d’opinion, l’esprit critique, le pluralisme des formations politiques, qui revendique une certaine forme d’individualisme aussi. C’est notre immense force et c’est parfois notre véritable faiblesse.

 Mais l’unité nationale ne veut pas dire l’uniformité. Elle signifie tout simplement que nous devons nous retrouver, dans les heures graves que nous traversons, autour d’un socle commun unanimement partagé, autour de valeurs communes non négociables qui fondent notre Démocratie.

 Au premier rang de ces valeurs figurent la liberté d’expression, la liberté de la presse, c’est-à-dire la liberté de tout dire dans les seules limites reconnues par la loi ; la liberté de conscience, c’est-à-dire celle de croire ou de ne pas croire ; la lutte contre toute forme de racisme, d’antisémitisme et de discrimination.

 Nous devons aussi agir. Nous ne pouvons pas nous contenter de parler. Agir chacun à son niveau et avec ses moyens. Agir en continuant tout simplement à vivre, à avancer en nous efforçant de ne surtout pas céder ni à l’irrationnel, ni à la peur.

 La menace est là, chacun le sait. Qui peut croire qu’elle a disparu en même temps que les trois terroristes ? Nous devons y faire face avec sang-froid et courage. Au niveau international et européen d’abord, sur le théâtre des opérations extérieures, notamment celles où l’armée française est engagée. Au niveau national ensuite en prenant les dispositions appropriées pour répondre à ces nouveaux visages du terrorisme. Au niveau local enfin. Au niveau de la commune, l’institution la plus proche des citoyens, celle qui est à la base de notre République et où il y a évidemment des actions à entreprendre. C’est bien là le sens qu’il faut donner à notre présence à tous ici ce soir. L’Etat doit combattre la menace mais c’est aussi le rôle de la société toute entière de le faire.

 Nous savons qu’il faut rester vigilant car nous ne vivons pas à l’écart du monde présent. Le sursaut français auquel, je veux le croire, nous assistons, doit nous permettre de préserver notre modèle national qui refuse le communautarisme et qui s’est trouvé affaibli, en raison notamment de comportements jusqu’alors tolérés et qui aujourd’hui ne doivent plus l’être. Il faut que les règles de vie sociale que nous nous sommes données soient acceptées et respectées par tous. A nous de reconquérir les territoires perdus de notre République !

 Un Maire connaît les cœurs et les âmes des hommes et des femmes de la commune. Il connaît leurs peurs comme leurs espérances. Il sait qu’au-delà de leurs différences, de leurs origines ou de leurs croyances, ils aspirent à vivre ensemble dans la paix. Mais un Maire sait aussi plus que tout autre la fragilité de notre société et l’énergie qu’il faut dépenser pour conserver un bien vivre ensemble.

 A Sucy, ville dépositaire d’une longue tradition humaniste, la Fraternité n’est pas un vain mot. Forte d’un dialogue entre les confessions si ancien et si vivant, je ne doute pas que toutes les communautés religieuses ici réunies, juive, musulmane, catholique, orthodoxe, protestante, sauront également être à la hauteur des événements que nous traversons. Par des prises de paroles publiques claires ou par des gestes aussi formidables que discrets, elles ont déjà donné la preuve ces derniers jours, comme elles vont le faire ce soir, de tout ce qu’elles peuvent apporter à notre vie commune locale.

 Par votre présence ce soir, jour de la parution du journal Charlie Hebdo, élus de toutes les tendances de notre Conseil Municipal que je remercie, représentants de toutes les confessions, citoyens de Sucy, vous exprimez des sentiments mêlés, naturellement votre peine pour les victimes, peut-être votre inquiétude pour vous-même et vos proches, ou encore de la colère. Mais surtout, vous démontrez votre mobilisation, votre volonté, votre force !

 Je retiendrai pour conclure ces quelques mots prononcés hier par le président de la République lors de l’hommage national rendu aux trois policiers morts en service : « La France peut être attaquée, elle peut être agressée, elle peut être meurtrie comme elle l’est aujourd’hui ; notre grande et belle France ne cède jamais, ne rompt jamais, ne plie jamais. Elle fait face. Elle est debout. »

 Vive la République et vive la France !