75e anniversaire du Vel’ d’Hiv : le discours très émouvant d’Emmanuel Macron

Au cours d’un solennel discours prononcé ce dimanche 16 juillet en hommage aux victimes de la rafle menée par la police française, qui mènera plus de 13 000 juifs à  être enfermés au Vel’ d’Hiv avant d’être déportés, Emmanuel Macron a laissé transparaître son émotion. Pour le président, il s’agissait de l’un des discours les plus importants, car « aux yeux d’Emmanuel Macron, la mémoire est essentielle dans la construction d’une nation« ,  « D’où ce texte, dont il s’est beaucoup imprégné, dont il a beaucoup réécrit certains passages, nous dit-on, parce qu’il voulait vraiment toucher les gens en évoquant ce tragique épisode de notre histoire. Une telle volonté de convaincre que sa voix s’est étranglée quand il a évoqué le sort de ces milliers d’enfants juifs arrachés à leur quotidien et envoyés dans les camps de la mort« .

Benyamin Netanyahou chaleureusement reçu à  l’Elysée

Emmanuel Macron avait ensuite rendez-vous avec le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou au palais de l’Elysée. « C’est la même méthode diplomatique que celle qu’il a utilisée avec Vladimir Poutine ou Donald Trump« . « Benyamin Netanyahou a été chaleureusement reçu aujourd’hui à l’Elysée, mais Emmanuel Macron lui a dit qu’il était pour une solution à  deux états dans le conflit israélo-palestinien, et lui a redit qu’il était contre la continuité des constructions dans les colonies« .

Texte de notre ami et éminent François Heilbronn :

Avez vous entendu ce discours ? Avez vous entendu ces mots ? Tous ces mots dits avec une force peu commune, une émotion palpable. Ces mots que nous attendions tant et espérions tant.

J’ai écouté, ré-écouté ce discours. Puis j’ai lu, relu ce beau texte. Jai relu ce texte, où j’ai vu défiler en un court moment 40 ans de mes combats, 73 ans des combats de nos pères, pour la vérité, la dignité et la justice.

Tout d’abord, dire la réalité historique du crime et de la complicité de l’Etat francais, de l’administration française dans la déportation et l’assassinat de prés de 76.000 Juifs de France.

Au fil de ce billet, je citerai en les présentant les phrases qui m’ont le plus touché.

Sur le rafle et la représentativité du régime de Vichy :

«Je récuse les accommodements et les subtilités de ceux qui prétendent aujourd’hui que Vichy n’était pas la France, car Vichy ce n’était certes pas tous les Français, vous l’avez rappelé, mais c’était le gouvernement et l’administration de la France.»

Sur les origines intellectuelles de Vichy, et la responsabilité des intellectuels et des hommes politiques antisémites des années 30. Et il n’oublie pas de trouver à  l’origine des crimes antisémites de Vichy, la trace des Drumont, Brasillach et Céline :

«Il est si commode de voir en Vichy une monstruosité née de rien et retournée à  rien ; de croire que ces agents sortis de nulle part reçurent à  la libération le juste châtiment qui les élimina de la communauté nationale.

C’est commode, c’est commode, oui mais c’est faux.

C’est parce que Vichy dans sa doctrine fut le moment où purent enfin se donner libre cours ces vices qui, déjà , entachaient la IIIème République : le racisme et l’antisémitisme 

Ce supplice, leur supplice, qui défie l’entendement, qui défie les mots a commencé ici, le 16 juillet 1942 au matin, parce qu’en France dans la conscience de citoyens français, de dirigeants politiques français, de fonctionnaires français, de journalistes français, l’antisémitisme et le racisme avaient fait leur chemin insidieusement, lentement ; avaient rendu l’infâme tolérable jusqu’à en faire une évidence, jusqu’à  en faire une politique d’Etat: la politique collaborationniste.

C’est la France de Je suis partout, de Bagatelles pour un massacre, c’est la France où Louis Darquier de Pellepoix, déjà  lui, peut sans être inquiété une seconde proclamer en 1937 : Nous devons résoudre de toute urgence le problème juif, soit par l’expulsion, soit par le massacre. C’est la France où l’antisémitisme métastasait dans l’élite et dans la société, préparant insidieusement les esprits au pire.

Parce que oui, mes amis, la barbarie n’avance pas à visage découvert. Elle ne porte pas l’uniforme. Et lorsque les bottes nazies frappent le pavé de Paris, il est déjà  trop tard

Et Emmanuel Macron n’analyse pas seulement de manière parfaite cet antisémitisme violent des années 30 qui ouvre la voie à la collaboration française, il dénonce aussi cet antisémitisme qui s’est réveillé en France depuis le début des années 2000 et qui a conduit au meurtre de 10 juifs en France, pour le simple fait d’être juif :

«En France aujourd’hui, cette corruption des esprits, cet affaiblissement moral et intellectuel que sont le racisme et l’antisémitisme sont encore présents et bien présents. Ils prennent des formes nouvelles, changent de visage, choisissent des mots plus sournois.

Et puis un jour, parce qu’on s’est tu, parce qu’on n’a pas voulu voir, le passage à l’acte intervient. Alors ce qui était des mots, ce qui n’était chez les uns que de la haine formulée différemment et chez les autres une forme de lâcheté ou une complaisance à ne pas vouloir voir, alors cela devient des vies fauchées et des gestes qui tuent

Et il égrène les noms, chaque nom, de nos martyrs depuis Ilan Halimi, jusqu’à  Sarah Halimi, oui Sarah Halimi, qu’il n’oublie pas :

«Et malgré les dénégations du meurtrier, la justice doit faire désormais toute la clarté sur la mort de Sarah Halimi

Il n’oublie pas de dénoncer les moyens modernes à la disposition de ces criminels et de ces porteurs de haine que sont les réseaux sociaux :

«Le racisme et l’antisémitisme disposent pour réaliser leur travail de sape de moyens inédits de propagande. Les réseaux sociaux en sont les grands pourvoyeurs et nous n’avons pas encore pris la mesure de leur influence à  cet égard. Nos magistrats et nos forces de l’ordre doivent y être mieux formés

Il salue mes frères et sœurs de combat, nos modèles dans la dignité et la véracité, les survivants de la Shoah :

«Nous devons chaque jour, chaque minute être dignes, comme le sont les survivants de la Shoah dont l’exemple nous apporte tant.

Ne cédez aucun pouce de cette humanité, ne cédez rien parce qu’à  chaque fois c’est notre humanité à  tous qui est remise en cause.»

Et pour la première fois dans l’histoire de France, un Président de la République prononce les mots qu’aucun de ces prédécesseurs n’avait dit. Ces mots que seul un courageux Premier ministre Manuel Valls, n’avait osé prononcer avant lui :

«Alors oui, nous ne céderons rien aux messages de haine, nous ne céderons rien à l’antisionisme car il est la forme réinventée de l’antisémitisme

Vous avez bien lu : «l’antisionisme est la forme réinventée de l’antisémitisme».

Enfin un Président de la République a énoncé cette vérité que nous militants de la lutte contre l’antisémitisme clamons depuis toujours. Cette vérité que certains intellectuels courageux avaient criés, de Jankélévitch, à  Martin Luther King. Merci, monsieur le Président de la République d’avoir enfin souligné par votre parole, cette haine du Juif et cette négation de son droit à l’autodétermination qu’est l’antisionisme.

Enfin, beaucoup d’entre nous n’ont pu retenir leurs larmes. Et votre émotion Monsieur le Président était elle aussi si palpable quand vous avez fait cette promesse aux enfants juifs assassinés :

«Les enfants du Vel d’Hiv auraient aimé aller à  l’école de la République, obtenir un diplôme, un métier, fonder une famille, lire, aller au spectacle. Ils auraient aimé apprendre et voyager. Et leurs parents auraient voulu les voir grandir, vieillir ensemble. Tous auraient voulu aimer et être aimés. Nous leur avons redonné un nom, un prénom, des âges et des adresses.

A ces enfants, je veux dire que la France ne les oublie pas, je veux dire qu’elle les aime, je veux dire qu’elle fera tout pour que leur supplice nous exhorte sans cesse à  ne céder ni à  la haine, ni à la rancœur, ni au désespoir.

Nous ferons, les enfants, une France où vous auriez aimé vivre. Nous ferons, les enfants, une France où vous vivrez toujours.

Vive la République, vive la France

Monsieur le Président de la République, au nom de ces enfants juifs assassinés et de notre idéal de la République Française, que vous avez incarné ce jour, Merci.

François HEILBRONN

Distinction Républicaine dans la promotion du 14 juillet de la Légion d’Honneur pour notre Président Raphy Marciano

– Communiqué –

L’Espace Culturel et Universitaire Juif d’Europe et l’Institut Universitaire Elie Wiesel ont le plaisir de vous annoncer que Raphy Marciano, Directeur de l’ECUJE et de l’IUEW est promu Chevalier dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur, au titre de la promotion du 14 juillet 2017, du Premier ministre.

Cette distinction récompense quarante et une années au service de la culture juive, notamment comme Directeur des programmes du Centre Rachi et Directeur général du Centre Communautaire de Paris devenu ECUJE. Durant ces années, il n’a cessé de porter la culture juive à son plus haut niveau.

C’est dans cette fonction que, par fidélité à son maître et ami Elie Wiesel (de mémoire bénie), il a créé, il y a treize ans l’Institut qui porte son nom pour promouvoir les études universitaires juives, premier institut d’études juives reconnu par la Chancellerie des universités et qu’il a encouragé il y a deux ans, le lancement de l’UNEEJ, première université numérique des sciences du Judaïsme.

Mais à côté de cet engagement professionnel sans faille, il est depuis son plus jeune âge le militant infatigable des grandes causes juives :

  • La Mémoire de la Shoah, aux côtés de Beate et Serge Klarsfeld, traquant en Allemagne les nazis, responsables de la déportation des Juifs de France.
  • La solidarité avec les Refuzniks, allant porter clandestinement en URSS, les livres de prières et objets du culte juif.
  • Le soutien à Israël, en ayant créé le plus grand centre d’Oulpanim d’Europe et en étant l’un des animateurs des mémorables célébrations de Yom Haatsmaout, Fête de l’Indépendance d’Israël.
  • La promotion du dialogue judéo-chrétien et avec la Cité.
  • Avec l’association Kadima, l’organisation de colonies de vacances pour les enfants défavorisés.

Au travers de ses nombreuses responsabilités, notamment de Président de la Communauté juive de Sucy en Brie, de membre du Comité Directeur du CRIF, de chroniqueur sur Judaïques FM et sur Radio J, refusant à la fois tout sectarisme et une vision exigüe du Judaïsme, il est le défenseur infatigable du pluralisme juif. Il y a quelques jours, il a marqué par la force de son discours, aux côtés d’Anne Hidalgo Maire de Paris et de Pierre Aidenbaum, Maire du 3ème arrondissement, la cérémonie de nomination du square du Temple Elie Wiesel.